Articles du Vendredi : Sélection du 25 septembre 2015

Quand les biodéchets vont sortir des poubelles

Stéphanie Senet
www.journaldelenvironnement.net/article/quand-les-biodechets-vont-sortir-des-poubelles,62274

Une transition vers 100% d’énergies renouvelables compétitive et créatrice d’emplois

AFP
www.goodplanet.info/actualite/2015/09/21/une-transition-vers-100-denergies-renouvelables-competitive-et-creatrice-demplois

Demain, les Etats pourront-ils être condamnés pour crime climatique et violation des droits des générations futures ?

Valérie Cabanes
www.bastamag.net/Demain-les-Etats-pourront-ils-etre-condamnes-pour-crime-climatique-et-violation

Quand les biodéchets vont sortir des poubelles

Stéphanie Senet
www.journaldelenvironnement.net/article/quand-les-biodechets-vont-sortir-des-poubelles,62274

La valorisation des biodéchets a été présentée, le 23 septembre à Nantes dans le cadre des Assises des déchets, comme la solution la plus simple pour réduire de moitié la mise en décharge en 2025[1]. [1] Objectif fixé par la loi sur la transition énergétique

 

Collecter séparément les biodéchets et les valoriser en compost et en biogaz? Les collectivités regroupées autour du réseau Compostplus le pratiquent au quotidien depuis des années. Et ça fonctionne. Tel est le message qu’elles ont voulu faire passer lors de l’atelier organisé autour de la valorisation des biodéchets, alors que la loi sur la transition énergétique prévoit de généraliser leur tri à la source en 2025 (collecte séparée, mais aussi composteurs).

«Nous collectons séparément les biodéchets des ménages en porte-à-porte depuis 2002. Cela représente 8.000 tonnes par an, à partir desquelles nous produisons 2.600 t de compost, intégralement vendu à des agriculteurs, dont des maraîchers bio», assure Odile Robert, directrice de la gestion et de la valorisation des déchets de la communauté d’agglomération de Lorient.

 

Un petit parc de méthaniseurs

Si les expériences à petite échelle s’avèrent positives et pérennes, la généralisation du tri à la source ne risque-t-elle pas de créer un déficit d’installations de traitement en France? «Les capacités de méthanisation sont aujourd’hui nettement inférieures au gisement potentiel», observe Jean-Pierre Harry, directeur industriel de Terralys, filiale de Suez Environnement. Le hic? «Il existe de nombreux projets en cours, mais un certain nombre d’entre eux sont bloqués par manque de lisibilité réglementaire et de capacités financières», estime l’industriel.

 

Un projet de territoire

Le président de Compostplus s’avère plus optimiste. «C’est le rôle de la collectivité de concevoir des filières de traitement et de trouver des débouchés à la valorisation des biodéchets, comme l’épandage du compost», affirme Alain Marois. Pas question pour autant de faire n’importe quoi. Le réseau a élaboré le label Asqa, avec 36 critères garantissant un compost de qualité, comme le tri à la source des biodéchets, ou la quantité d’intrants utilisés par les agriculteurs dont les biodéchets sont collectés.

 

La prévention avant tout

«Attention à ne pas développer une filière industrielle de méthanisation au détriment de la prévention et de la lutte contre le gaspillage alimentaire», met en garde Laura Chatel, chargée de mission Territoires pour l’association Zero waste France. Selon elle, «les méthaniseurs ont le même défaut que les incinérateurs. Ils ont besoin d’une qualité suffisante de biodéchets pour être rentables et bien fonctionner sur le plan technique», poursuit-elle. Reste donc à trouver le juste équilibre.

Une transition vers 100% d’énergies renouvelables compétitive et créatrice d’emplois

AFP
www.goodplanet.info/actualite/2015/09/21/une-transition-vers-100-denergies-renouvelables-competitive-et-creatrice-demplois

Renoncer totalement aux énergies fossiles d’ici à 2050 au profit des énergies renouvelables créerait des millions d’emplois dans le monde et serait compétitif en termes de coûts, affirme Greenpeace dans un rapport paru lundi.

« L’investissement nécessaire » pour parvenir à 100% d’énergies renouvelables « est plus que couvert par les économies futures », écrit l’ONG dans ce document réalisé avec le Centre aérospatial allemand et intitulé « Energy (R)Evolution 2015 – 100% renewable energy for all » (100% d’énergies renouvelables pour tous).

Le scénario « Energy (R)Evolution » prévoit l’abandon le plus rapidement possible du charbon, du pétrole, du gaz et du nucléaire pour parvenir à 100% d’énergies renouvelables en 2050. Cette transition nécessite des investissements de 1.600 milliards de dollars (1.400 milliards d’euros) par an d’ici là, estime le rapport, soit l’équivalent du PIB annuel de la Corée du Sud ou de l’Australie.

« Les industries solaire et éolienne sont arrivées à maturité et sont compétitives avec le charbon en termes de coût. Il est très probable qu’elles dépasseront l’industrie du charbon en termes d’emplois et de fourniture d’énergie dans la décennie à venir », estime le principal auteur du rapport, Sven Teske, de Greenpeace, dans un communiqué.

Environ 80% de l’énergie produite dans le monde provient de combustibles fossiles, rappelle le rapport.

A court terme, les technologies nécessaires pour les énergies renouvelables « augmentent légèrement le coût de la production d’électricité », relève le texte.

Mais « dans quelques pays, comme la Chine et l’Inde, le scénario Energy (R)Evolution est économique dès le départ et meilleur marché que les sources d’énergie conventionnelles d’ici à 2020 », affirme-t-il.

Et avec l’augmentation prévue du prix des énergies conventionnelles (charbon, gaz, pétrole…), le coût des renouvelables « sera économiquement favorable dans toutes les régions du monde d’ici à 2030 », affirme le rapport.

Selon ses auteurs, le passage à 100% d’énergies renouvelables aboutira à la création de millions d’emplois.

D’ici à 2030, le secteur de l’énergie solaire, par exemple, « pourrait employer autant de personnes que l’industrie du charbon aujourd’hui, plus de 9,5 millions ».

Selon le rapport, toujours d’ici à 2030, le nombre d’ «emplois dans le secteur éolien sera multiplié par dix, passant de 700.000 actuellement à plus de 7,8 millions – deux fois plus que dans les industries du pétrole et du gaz combinées ».

L’accord espéré à la conférence de Paris sur le climat à la fin de l’année « doit donner une vision à long terme pour éliminer le charbon, le pétrole, le gaz et l’énergie nucléaire d’ici au milieu du siècle, pour atteindre l’objectif de 100% de renouvelables, avec une énergie accessible à tous », estime le directeur exécutif international de Greenpeace, Kumi Naidoo, dans le communiqué.

Demain, les Etats pourront-ils être condamnés pour crime climatique et violation des droits des générations futures ?

Valérie Cabanes
www.bastamag.net/Demain-les-Etats-pourront-ils-etre-condamnes-pour-crime-climatique-et-violation

Des enfants américains attaquent en justice leur gouvernement pour ne pas prendre en compte les droits des générations futures. Des insulaires du Pacifique, menacés par la montée des océans, tentent de traîner les gros pollueurs devant les tribunaux. Aux Pays-Bas, des magistrats viennent même de condamner l’Etat néerlandais pour manquement à son devoir de vigilance en matière d’émissions de CO2. Les actions en justice contre l’indifférence des Etats et des gros pollueurs se multiplient. La notion de crime climatique pourrait être reconnue par la Cour pénale internationale. C’est en tout cas ce que défend la juriste Valérie Cabanes, qui est reçue ce 25 septembre par François Hollande.

C’est une lacune du droit international. Comment garantissons-nous aux générations futures le droit de vivre dignement dans un environnement sain ? Des déclarations – celles de Stockholm, de Rio et de Vienne – appellent à reconnaître notre droit à un environnement sain et notre devoir de le léguer aux générations suivantes. Mais aucune sanction n’est prévue pour ceux qui menacent ce droit, il n’a même pas été élevé au rang de droit fondamental de l’homme. Et pourtant il en va de la pérennité des conditions de la vie sur terre.

Le réchauffement climatique mais aussi toutes les autres limites planétaires que nous avons franchies ou que nous sommes sur le point de franchir – érosion de la biodiversité, déforestation massive, pollution des eaux et des sols, acidification des océans – sont des conséquences directes de nos modes de consommation et de production depuis l’avènement de l’ère industrielle. En 150 ans, en misant sur son développement et son confort via les énergies fossiles et l’exploitation effrénée des ressources terrestres, l’homme a bouleversé l’écosystème terrestre. Et nos choix menacent aujourd’hui la Paix et la sécurité humaine.

Quand des enfants font trembler des industriels

Si l’on veut limiter le réchauffement climatique, il faudra bien remettre en question notre modèle économique car celui-ci s’est construit sur l’usage des combustibles fossiles (pétrole, gaz, charbon). A-t-on vraiment amorcé la transition énergétique qui s’impose ? On peut en douter. En 2012, 775 milliards de dollars ont été attribués à l’exploration, la production et l’utilisation des combustibles fossiles contre 101 milliards pour les énergies renouvelables. Les technologies de demain existent, elles ne sont juste pas promues. Face à cette inaction, des citoyens, du Pacifique à l’Arctique, engagent des procédures judiciaires.

Pour protéger leur avenir, des jeunes américains se sont regroupés en 2011 et ont intenté ce qu’on appelle aux États-Unis une « class action » contre six agences fédérales américaines. Kids vs. Global Warming (« Enfants contre le réchauffement climatique ») représentée par son fondateur Alec Loorz, activiste depuis l’âge de 12 ans, et WildEarth Guardians (« Guardiens de la Terre sauvage ») représentée par son fondateur Xiuhtezcatl Martinez, 14 ans, ont attaqué collectivement le gouvernement américain.

Celui-ci est accusé par les jeunes plaignants d’avoir condamné leur avenir en ne mettant pas en place une stratégie pour éviter le scénario catastrophe d’une augmentation de 2°C d’ici à la fin du siècle. La Cour suprême a rejeté la plainte début mai 2014 considérant qu’elle n’avait pas la compétence pour protéger des ressources naturelles. L’affaire a cependant fait trembler la plus grande association d’industriels américains, l’American Association of Manufacturers, qui représente notamment les intérêts du secteur des énergies fossiles.


Les peuples arctiques face à la fonte des glaces

Les peuples arctiques, dont les moyens d’existence sont menacés par la fonte des glaces, ont eux-aussi décidé de déposer une plainte contre le gouvernement américain auprès de la Commission interaméricaine des Droits de l’Homme. Ils demandent à ce que les États-Unis soient contraints de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Si la plainte est jugée recevable, la Cour interaméricaine des droits de l’homme l’instruira. Cela paraît peu probable car les États-Unis n’ont pas ratifié la déclaration des Droits de l’homme de 1948, aussi incroyable que cela puisse paraître. Mais toute dénonciation de la Commission aura un impact diplomatique percutant, aucun État n’appréciant d’être pointé du doigt.

Pour l’heure, les intérêts de nos gouvernants restent intimement liés aux intérêts du secteur privé, en particulier à toutes les entreprises multinationales qui financent les campagnes politiques et où l’État est parfois lui-même actionnaire. Cette collusion des intérêts permet aux 90 entités (multinationales, certains États) qui produisent les deux-tiers des émissions de gaz à effet de serre de dicter des normes qui leur sont favorables dans un souci de profits.

L’union des insulaires face aux gros pollueurs

Sous d’autres latitudes, dans le Pacifique, les insulaires crient au secours face à la submersion de leurs lieux de vie. Ils revendiquent leur droit de traîner les gros pollueurs en justice. Dans la « Déclaration du peuple pour une justice climatique », publiée le 8 juin 2015 au Vanuatu et rédigée par des représentants communautaires du Vanuatu, des Philippines, des Fidji, des Kiribati, des îles Salomon et de Tuvalu, il est écrit : « En tant que personnes qui sont le plus évidemment vulnérables face aux impacts du changement climatique, nous ne laisserons pas les gros pollueurs décider de notre sort. (…) Nos droits et notre capacité à survivre ne doivent pas être dictés par la dépendance persistante à la combustion d’énergies fossiles. »

Nous ne pouvons plus nous permettre de ne réagir que quand des crises surviennent. Si l’on ne compte que les personnes qui seront amenées à se déplacer en lien avec le changement climatique, et son lot de sécheresses ou à l’inverse d’inondations, voire de submersions, on estime à 150 voire 250 millions les personnes qui devront fuir leur lieu de vie d’ici à 2050, dont 60 millions en Afrique sub-saharienne d’ici à 2020. Or, la seule vraie solution concernant le changement climatique consiste à laisser 80 % des réserves fossiles connues sous terre, inexploitées à jamais (lire l’appel Crime Climatique Stop !). Au nom des millions de victimes de la montée des eaux, de pénurie alimentaire, de destruction de leurs moyens d’existence, nous demandons à ceux qui nous dirigent de prendre la mesure de leurs responsabilités vis-à-vis des générations actuelles et des générations futures.

L’État néerlandais condamné à agir pour protéger l’environnement

A l’approche de la COP21, et en analysant les engagements déjà mis sur la table, on réalise que nos gouvernants sont incapables de faire des propositions où l’intérêt global – à savoir la sûreté de la planète – primerait sur l’intérêt national. Au 8 septembre 2015, le diagnostic est pessimiste. Les 58 contributions présentées, représentant à elles seules près de 60 % des émissions de gaz à effet de serre conduiraient déjà à un réchauffement supérieur à 3°C (voir 4°C) d’ici la fin du siècle. Pour se faire une idée, + 4°C équivaut à une situation connue par la Terre il y a 125 000 ans : à cette époque, les océans étaient plus haut de 6 mètres.

Un espoir nous vient des Pays Bas. En juin dernier, un tribunal de La Haye a donné raison à la plainte de 886 citoyens contre leur gouvernement. Les plaignants avaient demandé aux juges de qualifier un réchauffement climatique de plus de 2 °C de « violation des droits humains ». Dans son jugement, le tribunal a estimé que l’État néerlandais devait réduire ses émissions afin de respecter « la norme de 25 à 40 % que les scientifiques et les politiques internationales estiment nécessaire pour les pays industrialisés (…) en raison de son devoir de vigilance pour protéger et améliorer l’environnement ». Depuis ce verdict, des citoyens s’organisent dans de nombreux pays pour agir en justice contre leur propre gouvernement, notamment en France.


Les secteurs polluants doivent répondre de leurs décisions

Mais pour le mouvement End Ecocide on Earth, il faut aller encore plus loin. Nous demandons en effet que ceux qui détiennent notre destin commun en mains, en particulier ceux qui dirigent le secteur pétrolier, celui de l’agro-industrie, du nucléaire, ceux qui subventionnent et spéculent sur ces marchés, soient encadrés par le droit pénal international. Il faut qu’ils puissent répondre de leurs décisions quand celles-ci impactent la survie de populations entières en détruisant leurs conditions d’existence, même si cela permet d’offrir plus de confort à quelques-uns d’entre nous. C’est tout simplement immoral et suicidaire à long-terme.

Pour nous, détruire l’environnement global, menacer la sûreté de la planète est une atteinte aux droits fondamentaux de l’homme et devrait être considéré comme un des crimes internationaux les plus graves, à l’image du génocide ou du crime contre l’humanité. Ce crime a un nom : l’écocide.

La cour pénale internationale doit être dotée de moyens pour prévenir des dégradations environnementales majeures en imposant des mesures conservatoires et en suspendant des projets industriels dangereux pour la sûreté de la planète : forages dans des communaux globaux tel que l’Antarctique, déforestations massives, sites industriels fortement émetteurs de gaz à effet de serre, mais aussi sites nucléaires. Il faut que le principe de précaution, posé par l’article 15 de la déclaration de Rio, soit appliqué à l’échelle planétaire et que les crimes d’écocide puissent être sanctionnés. La société civile peut soutenir cette proposition via le site du mouvement.

Valérie Cabanes

Juriste en Droit International et spécialisée dans les Droits de l’Homme, Valérie Cabanes est la porte-parole de l’initiative citoyenne européenne « Arrêtons l’écocide en Europe. Donnons des droits à la Terre » dont le but est d’obtenir une loi pour criminaliser la destruction des écosystèmes. Elle est co-auteure du livre Crime climatique Stop !.