Articles du Vendredi : Sélection du 27 novembre 2015 !

Connaître les saboteurs de climat pour les empêcher de nuire

Philippe Thureau-Dangin
www.reporterre.net/Connaitre-les-saboteurs-de-climat-pour-les-empecher-de-nuire

Climat d’insécurité

Stéphane Foucart
www.lemonde.fr/cop21/article/2015/11/23/climat-d-insecurite_4815296_4527432.html

François Gemenne : « L’urgence climatique et l’urgence terroriste posent la même question »

Thibaut Schepman
http://rue89.nouvelobs.com/2015/11/23/francois-gemenne-lurgence-climatique-lurgence-terroriste-posent-meme-question-262127

COP21 klimaren gailurraren atarian mobilizazioak munduan eta Euskal Herrian

Unai Brea
www.argia.eus/albistea/cop21-klimaren-gailurraren-atarian-mobilizazioak-munduan-eta-euskal-herrian

Connaître les saboteurs de climat pour les empêcher de nuire

Philippe Thureau-Dangin
www.reporterre.net/Connaitre-les-saboteurs-de-climat-pour-les-empecher-de-nuire

Ils sont les fauteurs oubliés du changement climatique : banques, industriels du pétrole et du charbon… Et pourtant, moins d’une centaine de ces multinationales sont responsables des deux-tiers des émissions de gaz à effet de serre dans le monde. Dans Les saboteurs du climat, enquête documentée et chiffrée, le journaliste Nicolas de la Casinière les tire de l’anonymat.
Les Anglo-Saxons appellent cela disclosure. Disons donc tout de suite que le livre dont je vais vous parler, Les Saboteurs du climat, est coédité par Reporterre, le site où vous êtes… Je ne vais donc pas vous en dire trop de bien, ce serait louche ni trop de mal d’ailleurs, car le livre en question est tout à fait pertinent et documenté.
L’auteur, Nicolas de La Casinière, qui est correspondant à Nantes de Libération et de… Reporterre, rappelle d’emblée une donnée trop vite oubliée : même si tout le monde est peu ou prou responsable de la catastrophe climatique annoncée, 90 grands groupes mondiaux sont à l’origine des deux-tiers des émissions de gaz à effet de serre ! Ces entreprises – qui touchent au pétrole, charbon, pneumatiques, etc – ne sont guère vertueuses, même si elles prétendent souvent le contraire. Et parmi cette cohorte de « saboteurs », certains sont français, et quelques-uns ont même l’État comme actionnaire minoritaire !
« Le charbon est à la fois le passé et l’avenir »
Ce sont ces mauvais exemples hexagonaux que le livre pointe principalement du doigt. On y retrouve bien sûr le groupe Total en bonne place, qui n’hésite pas à se lancer dans l’exploitation des sables bitumineux et souhaiterait bien s’attaquer au gaz de l’Arctique… On y croise le beaucoup moins connu groupe familial Sparkling Capital, fondé en 2009, qui s’est spécialisé dans cette industrie délaissée par d’autres : les charbonnages. Même si le charbon pèse pour 44 % des émissions de gaz à effet de serre, l’ingénieure Michèle Assouline, la présidente de Sparkling, en est persuadée : « Le charbon est à la fois le passé et l’avenir : il est indispensable », a-t-elle dit au micro de RTL.

Cela dit, Sparkling (qui veut dire « éblouissant, pétillant » en anglais) n’est pas le seul à turbiner au charbon. EDF ou Engie (ex GDF-Suez) « détiennent, totalement ou partiellement, ou via des filiales, 46 centrales à charbon émettant plus de 151 millions de tonnes de CO2 par an, soit l’équivalent de près de la moitié des émissions totales de la France ». EDF, par exemple, est présent en Pologne, en Chine, en Belgique et en France (deux centrales)… Quant à Engie, rappelle Nicolas de La Casinière, sur les 30 centrales que le groupe possède de par le monde, dix d’entre elles sont cataloguées comme « subcritiques », autrement dit des installations vétustes, gourmandes en eau et en combustible… Morale : même si la France se veut la championne du nucléaire, ses grands groupes continuent d’émettre sans vergogne.
L’image des saboteurs est en jeu
Faut-il pour autant être pessimiste ? Il y a tout de même des progrès ici ou là. Certains saboteurs se rendent compte que leur image est en jeu. D’autres cèdent devant l’action des écologistes. C’est ainsi que l’association Bizi !, en annonçant à l’avance les actions qu’elle allait entreprendre, a poussé la Société générale à renoncer à financer un projet charbonnier australien. Même Total a décidé de se désengager de la production de charbon en Afrique du Sud. Et Michelin, autre saboteur notoire, ne cultive presque plus en direct l’hévéa (tout en continuant bien sûr à en consommer). L’industriel du pneumatique a même piloté en Indonésie un projet de reforestation. On peut, comme le fait l’auteur du livre, souligner que cette reforestation ne concerne que 50 % des surfaces, l’autre moitié étant replanté en… hévéa, mais c’est tout de même mieux que rien. Dans sa fougue militante, La Casinière reproche d’ailleurs à Total de « vouloir préserver le plus longtemps ses profits » (ce en quoi il n’y a rien de criminel) et plus loin il se désole que les pétroliers investissent dans l’éolien et le solaire. Pourtant ces investissements ne peuvent pas nuire.
Mais l’auteur a parfaitement raison lorsqu’il décrit tous les artifices de la communication qui permettent à ces grands groupes de s’auto-décerner des labels verts, ou de présenter leur action comme « responsable ». Et lorsqu’il relève que des entreprises comme le cimentier Lafarge, le sidérurgiste Arcelor-Mittal ou GDF-Suez ont financé tout récemment les sénateurs états-uniens les plus climatosceptiques, on tombe des nues et on se dit que le climat, malgré toutes les COP, est encore un combat à venir.
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Les saboteurs du climat, Nicolas de la Casinière, 144 p., 10 € (éd. du Seuil, en partenariat avec Reporterre).

Climat d’insécurité

Stéphane Foucart
www.lemonde.fr/cop21/article/2015/11/23/climat-d-insecurite_4815296_4527432.html

C’était bien évidemment la question piège. Samedi 14 novembre, sur la chaîne de télévision CBS, l’animateur du débat entre les prétendants à l’investiture démocrate pour l’élection présidentielle américaine a demandé à Bernie Sanders s’il pensait toujours que le changement climatique était « la menace la plus importante pour la sécurité des Etats-Unis », comme il l’avait déclaré quelques semaines auparavant. La question est presque rhétorique. La veille, Paris était ensanglantée par des attaques terroristes d’une brutalité inédite en France. L’« urgence climatique » semble reléguée, depuis, à une question vaguement subsidiaire.

Bernie Sanders a pourtant répondu qu’il maintenait « absolument » son opinion. « En fait, le changement climatique est directement lié à l’augmentation de la menace terroriste (…), a-t-il expliqué. Si nous n’écoutons pas ce que les scientifiques nous disent, nous allons voir des pays tout autour du monde – c’est ce que dit la CIA – se battre pour l’accès à l’eau, pour l’accès aux terres arables, et nous verrons surgir toutes sortes de conflits. »
Tirer un lien entre sécurité et changement climatique en fait sourire certains. Ce lien est pourtant une certitude, et une certitude suffisamment incommodante pour être systématiquement oubliée et régulièrement redécouverte.
« Multiplicateur de menaces »
En mars 2008, le haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité transmettait aux Etats membres un rapport sans ambiguïté sur le sujet. Sept ans après sa rédaction, force est de constater son caractère prémonitoire. Le texte estimait que le réchauffement agit comme un « multiplicateur de menaces » dans des zones déjà traversées par des tensions sociales, politiques, religieuses ou ethniques.
« Les changements climatiques risquent d’avoir, à l’avenir, des incidences sur la stabilité sociale et politique au Proche-Orient et en Afrique du Nord », détaillait le rapport, qui pointait « les tensions liées à la gestion des ressources hydriques de la vallée du Jourdain et du bassin du Tigre et de l’Euphrate, qui se raréfient » et l’aggravation de ces tensions par l’augmentation des températures.
Il mettait aussi l’accent sur « une augmentation sensible de la population du Maghreb et du Sahel » au cours des prochaines années qui, combinée au changement climatique et à la diminution des surfaces agricoles, pourrait entraîner une « déstabilisation politique » et « accroître les pressions migratoires ». Même alerte sur le Yémen.
De manière troublante, presque toutes les zones identifiées en 2008 comme les plus sensibles au réchauffement – de la Mésopotamie au Levant en passant par le Yémen, le Sahel et l’Afrique du Nord –, ont basculé sept ans plus tard dans l’instabilité ou le chaos, chaos dont les attentats du 13 novembre sont le monstrueux rejeton.
Le cas syrien, en particulier, a fait l’objet de plusieurs travaux, cherchant la part prise par le climat dans la situation actuelle. Francesca de Châtel (université Radboud de Nimègue, aux Pays-Bas), spécialiste des questions de gestion de l’eau au Proche-Orient, en a livré une chronique saisissante, publiée en janvier 2014 dans la revue Middle Eastern Studies. Le scénario combine un cauchemar environnemental à une incurie à peu près totale du gouvernement syrien dans la gestion de ses conséquences.
Entre 2007 et 2010, favorisée par le réchauffement en cours, une sécheresse d’une sévérité jamais vue depuis le début des relevés météorologiques s’installe sur la région. Les Nations unies estiment que 1,3 million de Syriens en sont affectés. En 2008, pour la première fois de son histoire, la Syrie doit importer du blé. L’année suivante, plus de 300 000 agriculteurs désertent le nord-est du pays faute de pouvoir poursuivre leur activité. Car non seulement il ne pleut pas, mais un grand nombre de nappes phréatiques, surexploitées depuis les années 1980, sont à sec… En 2010, 17 % de la population syrienne est en situation d’insécurité alimentaire.
Bien sûr, les déterminants environnementaux n’invalident nullement les autres – religieux, politiques, ethniques, etc. –, habituellement mis en avant. Mais leur rôle est clair : comment penser que la destruction partielle de la production primaire d’un pays puisse être sans effet aucun sur sa stabilité et la sécurité de ses voisins ?
Grilles de lecture
Dans une étude publiée en mai dans Journal of Development Economics, Matthias Flückiger et Markus Ludwig, de l’université de Bâle, en Suisse, donnent une illustration extraordinaire de ce lien entre environnement et sécurité. Les deux économistes ont analysé les données relatives aux actes de piraterie au large d’une centaine de pays, et à l’abondance de plancton dans les mêmes eaux. Selon leurs calculs, lorsque la quantité de plancton baisse de 10 %, le nombre d’actes de piraterie augmente d’autant…
Parce qu’elle est étrangère à nos grilles de lecture habituelles, cette corrélation peut surprendre, mais elle n’est pas si étonnante. Le plancton – affecté par le réchauffement – forme le socle de la chaîne alimentaire marine : lorsqu’il vient à manquer, ce sont les pêcheries qui trinquent. Les pêcheurs se retrouvent alors avec des bateaux qui ne peuvent plus servir à pêcher. Il faut donc trouver une autre activité permettant de les amortir, et la piraterie en est une.
En frappant Paris le 13 novembre, l’organisation Etat islamique (EI) a remis le court terme au centre de l’agenda politique. La conférence décisive sur le climat, qui doit s’ouvrir le 30 novembre dans la capitale française, est passée au second plan. Pour la lutte contre le réchauffement, c’est une mauvaise nouvelle. On aura compris que, pour l’EI et tous ceux qui prospèrent sur le désespoir des plus pauvres, c’est une formidable victoire.

François Gemenne : « L’urgence climatique et l’urgence terroriste posent la même question »

Thibaut Schepman
http://rue89.nouvelobs.com/2015/11/23/francois-gemenne-lurgence-climatique-lurgence-terroriste-posent-meme-question-262127

Oublier le climat pour se concentrer sur la sécurité est contre-productif aux yeux de François Gemenne, spécialiste des migrations. Ces deux questions nous rappellent qu’« il va falloir faire des choix qui touchent à notre rapport à l’autre ».

Tout était réglé depuis des mois. Enfin, la menace climatique allait être en haut de la liste des préoccupations médiatiques et politiques, grâce à la Conférence des Nations unies sur le climat (à Paris, du 30 novembre au 11 décembre). Et puis la France a été frappée.
La menace terroriste a remplacé la menace climatique dans nos têtes et dans les journaux. Même les actions prévues de la société civile sont annulées.
Dans ce triste temps intermédiaire, il est utile d’écouter François Gemenne. Spécialiste des migrations, ce chercheur en sciences politiques travaille depuis dix ans sur les impacts du changement climatique sur nos sociétés. Contre les préjugés – si nombreux sur ces sujets – il alerte, explique et, parfois, s’énerve.

Quand on nous parle du changement climatique, c’est souvent avec des mots techniques et des chiffres froids, à propos de faits lointains. François Gemenne fait partie de ceux qui savent rappeler que ces questions sont déjà inscrites dans notre quotidien.
Rue89 : Les attentats ont éloigné un peu plus l’urgence climatique dans l’agenda politique et médiatique. Comment être entendu quand on parle du climat après ces événements ?
François Gemenne : Après les attentats, tout passe au second plan, tout le reste apparaît dérisoire. C’est compréhensible, mais c’est évidemment aussi le but des terroristes : capter toute l’attention politique et médiatique. Or, la question climatique nécessite un autre état d’urgence, comme le dit Bruno Latour. Il est absolument capital que les attentats ne détournent pas l’attention qui doit être portée à la COP21. Parce qu’au fond, l’urgence climatique et l’urgence terroriste posent la même question : comment vivre ensemble dans un monde globalisé ? Et, accessoirement, c’est le pétrole qui finance largement Daech…
Vous êtes spécialiste des migrations. Comment en êtes-vous venu à travailler sur le climat ?
Au départ, c’est une coïncidence. J’étais stagiaire à l’ONU à New York à l’été 2001, et je me suis retrouvé coincé dans un ascenseur avec l’ambassadeur de Tuvalu. Il m’a raconté que si son pays avait adhéré aux Nations unies – ce qui coûte cher à leur échelle –, c’est uniquement pour sensibiliser la communauté internationale à la possibilité que Tuvalu se trouve englouti par la hausse du niveau des mers.
A l’époque, le changement climatique apparaissait comme une menace assez lointaine, on savait encore assez peu de choses sur sa dimension humaine. Cette question m’a passionné.
La situation a peu changé depuis 2001, on parle encore souvent du changement climatique comme d’une menace lointaine…
Oui, on continue à voir le changement climatique comme une catastrophe future que l’on peut éviter, en particulier si l’on a un accord fort à Paris [pendant la COP21, ndlr].
La vérité, c’est que le changement climatique est déjà là, c’est déjà une réalité. Les catastrophes naturelles déplacent chaque année 26 millions de personnes [plus que le nombre de réfugiés de guerre, ndlr], c’est une personne par seconde, et à ce chiffre il faut ajouter les déplacements liés à des dégradations plus lentes de l’environnement.
Simplement, on ne voit pas les victimes parce qu’elles habitent dans des pays loin de nous, où peu d’entre nous ont déjà mis les pieds
Sur la question des réfugiés climatiques, on parle souvent de dizaines de millions de personnes déplacées d’ici quelques décennies, de hordes de personnes débarquant en Europe. Ces chiffres vous semblent justifiés ?
La vérité, c’est qu’on est incapable de dire « il y aura X millions de déplacés en telle année », en l’état actuel de la science. On peut établir des scénarios, c’est tout. Il faut aussi essayer de comprendre comment les migrations ont lieu sur le terrain.
On voit que les populations les plus vulnérables sont aussi celles qui sont les moins mobiles, contrairement à ce qu’on pourrait croire, parce que les migrations coûtent très cher. La migration se fait aussi parfois de manière irrationnelle, parfois d’une zone vulnérable à une autre zone vulnérable, parce que les gens n’ont pas les moyens d’aller plus loin.
Tout cela dépend aussi beaucoup des choix politiques et collectifs qui seront faits. Quand je parle de choix politiques, c’est, par exemple, quel territoire menacé on va préserver et quel autre on va sacrifier.
On ne pourra pas mettre des digues partout, on ne pourra pas construire des îles artificielles partout, donc des choix politiques vont être faits, et ces choix vont avoir des conséquences énormes sur les déplacements et les localisations des populations.
Comment faire prendre conscience qu’il y a déjà des choix à faire sur ces sujets ?
Il faut faire comprendre aux dirigeants que leur intérêt est d’accompagner ces migrations pour en tirer un maximum de bénéfices, pour les migrants comme pour les sociétés d’accueil et d’origine.
Plutôt que faire de la migration une solution de dernier ressort, on peut en faire une solution d’adaptation. Les gens peuvent migrer non pas parce qu’ils ont échoué à s’adapter, mais précisément pour s’adapter. Pour cela, il faut mettre en place les conditions, leur donner les moyens de s’adapter en leur donnant des ressources, des contacts ou des informations.
Après les attentats, le débat sur l’immigration s’est encore dégradé. Certains ont fait le lien entre l’arrivée de réfugiés en France et le trajet des terroristes. Craignez-vous que la situation empire ?
Un des objectifs des terroristes, c’est évidemment de monter les gens les uns contre les autres. Et notamment de jeter la suspicion sur les réfugiés, puisque Daech est l’ennemi commun de la France et des réfugiés. Même si l’on pourrait croire qu’il s’agit d’une mesure de sécurité nécessaire, fermer la porte aux réfugiés sert en réalité l’intérêt des terroristes.
Et marginaliser, stigmatiser les populations musulmanes sert aussi l’intérêt des terroristes, puisque ce sont ces musulmans marginalisés qu’ils espèrent recruter et radicaliser. C’est leur stratégie.
Faut-il politiser la question climatique, comme le recommande par exemple la chercheuse Amy Dahan ?
Tout à fait. Tout se passe comme s’il y avait un grand consensus politique sur la question climatique, comme si ce n’était pas un enjeu électoral. C’est cet unanimité de façade qui fait naître certains mouvements climatosceptiques.
Mais le seul consensus sur la question est scientifique. Au niveau politique, il y a des intérêts extrêmement contradictoires qui sont en présence. Il va falloir faire des choix qui vont froisser des intérêts, fâcher certaines personnes…
On a l’impression que la population est totalement coupée de ces choix collectifs. Les élections régionales françaises tombent par un hasard de calendrier en même temps que la COP21. Pourtant, on a l’impression que ce qui va se passer dans les urnes n’a rien à voir avec ce qu’il va se passer au Bourget [lieu où va se dérouler la COP21, ndlr]. Il y a un problème démocratique.
Les acteurs autour de la table sont toujours les gouvernements, comme on le faisait après la Seconde Guerre mondiale. Or, ceux qui ont le plus de leviers pour agir ne sont pas les Etats, mais les collectivités, la société civile, les sociétés privées. Il faut penser à mettre d’autres acteurs autour de la table, à signer d’autres types d’accords. On pourrait même représenter les acteurs non humains et les générations futures autour de la table.
Quelque chose m’a beaucoup frappé au sommet de Copenhague en 2009. Pour que la négociation ne soit pas juste un calcul de tonnes de CO2 sur des tableaux Excel, la société civile, les ONG, les peuples indigènes sont venus et ont essayé de représenter la réalité du changement climatique. Dans les derniers jours, pour des raisons de sécurité, ils ont été exclus du centre de négociation. On avait l’impression d’une négociation totalement déconnectée de la réalité. Mais on ne doit pas négocier que des tonnes de CO2 ou des milliards d’euros, on négocie aussi la vie des gens.
Malheureusement, les marches et rassemblements prévus ont été annulés. Pensez-vous que cela peut nuire à l’issue de la COP ?
Bien sûr. Tout ce qui réduira le rôle, la force et la voix de la société civile sera nuisible à la COP. La société civile est indispensable pour ancrer la négociation dans le réel, pour éviter qu’elle ne s’enferme dans une bulle comme cela avait été le cas à Copenhague.
Cela étant, je comprends naturellement la nécessité d’éviter les rassemblements de foule importants. Mais la société civile doit maintenant trouver d’autres façons de manifester et de peser sur la négociation. Après tout, on n’est pas forcés de manifester avec ses pieds : on peut aussi manifester avec sa voix, avec son téléphone, avec son compte Facebook…
Comment inscrit-on la vie des gens dans un accord international ?
La solution que l’on peut trouver à un problème tient beaucoup à la représentation que l’on se fait de ce problème. Aujourd’hui, il n’y a pas de représentation commune du problème du changement climatique. Pour certains, c’est un problème économique, pour d’autres, un problème de survie, de développement, de sécurité, de compétitivité. La lutte contre le changement climatique n’est donc pas un projet politique mobilisateur, elle est encore vécue comme une contrainte.
On a une vision claire du monde catastrophique auquel il faut essayer d’échapper. Ce qu’on n’a pas encore, c’est une idée d’un monde attirant. Quel est le chemin et les obstacles pour y arriver dans deux générations ? Il faut commencer par construire ensemble ce projet politique.
Pour provoquer une prise de conscience, faut-il s’énerver, comme vous l’avez fait sur plusieurs plateaux de télé ?
Je ne suis pas expert en communication, je ne sais pas si c’est une bonne stratégie. J’estime que mon rôle de chercheur est aussi de montrer que ce ne sont pas des débats de salon, d’exprimer les options qui s’offrent à nous.
Il va nous falloir faire des choix qui touchent à notre rapport à l’autre. C’est là qu’il y a des correspondances entre le climat et les migrations.
Je ne veux pas accuser Philippe Verdier de défendre le Front national, mais il y a dans son discours sur le climat quelque chose qui se rapproche beaucoup de celui du FN sur l’immigration. Verdier dit que le changement climatique va produire une série d’impacts positifs en France, que c’est bien pour nous, que ça va créer une ambiance de vacances. De la même façon, le FN dit qu’il ne faut pas laisser les autres venir chez nous, parce qu’on est bien entre nous, et ce parti propose de créer une forteresse autour de nous. C’est la même logique.
Sur le climat, la question c’est : est-on capable de sacrifier notre intérêt actuel pour l’intérêt supérieur de gens qu’on ne connaît pas, soit parce qu’ils habitent ailleurs, soit parce qu’ils ne sont pas encore nés ? La question se pose principalement dans les pays industrialisés qui doivent faire l’essentiel de l’effort et qui ne seront pas les principales victimes des impacts du changement climatique.
Faut-il désigner des responsables ?
C’est très difficile d’identifier des responsables. La Chine est le premier émetteur mondial mais la majorité des biens qu’elle produit sont destinés au marché mondial. Qui est responsable ? Je pense qu’il faut plutôt travailler sur la capacité à faire quelque chose. J’en reviens aux migrations. Angela Merkel a dit « nous allons accueillir des réfugiés » et elle a dit « nous allons le faire parce que nous pouvons le faire, nous avons les moyens de le faire ». Avec cette logique-là, on ouvre beaucoup de perspectives.
Vous êtes optimiste sur la réponse de nos élus à cette question ?
Non, et c’est pour ça qu’il faut une mobilisation de la société civile. Malheureusement, quand on parle d’environnement, on s’adresse aux gens comme à des consommateurs, pas comme à des citoyens. Vous pouvez acheter tel type d’ampoules, vous pouvez acheter des panneaux solaires… Ces actes sont importants, mais l’essentiel de nos émissions dépendent de choix collectifs et on ne le dit pas assez.
Les médias ont un rôle à jouer. Je rêve d’un débat politique télévisé entre des candidats sur des questions climatiques et environnementales, pour contribuer à les mettre à l’agenda politique et à en faire un déterminant du vote.
Beaucoup de gens croient à des solutions technologiques. Est-ce une bonne piste de recherche ou un leurre ?
Ça reste largement un leurre. Il y a un vrai risque de tomber dans le techno-optimisme, un vrai risque de se dire « ce n’est pas grave de ne pas réduire aujourd’hui nos émissions, on pourra compter dans le futur sur une rupture technologique majeure qui nous permettra de nous passer des énergies fossiles ». Bien sûr, j’espère cette rupture, et bien sûr, les technologies auront un rôle à jouer. Mais ces technologies n’arriveront pas forcément à temps et elles peuvent comporter des risques, comme l’a montré la géo-ingénierie.
D’autre part, certaines technologies existent déjà mais ne sont pas accessibles à tous, notamment pour les pays en développement et pour certaines classes sociales. Pour eux, l’énergie la moins chère est souvent la plus polluante. Il faut rendre ces technologies plus accessibles.
Le drame, c’est que nous avons déjà aujourd’hui les solutions technologiques qui permettraient de nous en sortir, mais elles sont trop peu utilisées, notamment parce que les énergies fossiles reçoivent énormément de subventions, ce qui rend les renouvelables moins compétitives.

COP21 klimaren gailurraren atarian mobilizazioak munduan eta Euskal Herrian

Unai Brea
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Frantziako Gobernuak ezarritako debekuaren aurrean mobilizazio bide alternatiboak bilatuko dituzte klima aldaketari benetako konponbidea eskatzeko.
Parisen ez ezik, mundu osoan egingo dira klima aldaketari benetako konponbidea eskatzeko mobilizazioak, COP21 goi-bilera hasi aurreko egun bietan, azaroak 28 eta 29. Bi mila ekintza baino gehiago daude aurreikusita.
Frantziako Estatuan, aurreikusitako mobilizazioak baldintzatu ditu azaroaren 13ko erasoak direla-eta François Hollanderen gobernuak ezarritako debekuak. Azaroaren 29an eta abenduaren 12an Parisen manifestazio bana egiteko deia zabaldua zuen Coalition Climat 21ek adierazi du bestelako bideak baliatuko dituela azaroaren 29ko martxa egiteko, ikus-entzunezko instalazio artistikoen bitartez.
Halaber, iragarri dute abenduaren 7tik 11ra Klimaren Aldeko Ekintza Guena mantenduko dutela, Parisko Centquatren. COP21 amaitu eta biharamuneko (abenduak 12) manifestazio handirako deiari ere eutsi diote. Manifestazio bakoitzean 200.000 lagun inguru bil daitekeela uste da.
Mobilizazioak Euskal Herrian
Bilbon manifestazioa egingo da azaroaren 28an, Iberdrola dorretik abiatuta, eguerdiko 12:00etan, hainbat talde ekologista, sindikatu eta elkarte ugarik deituta. Horrez gain, Tom Kucharz Ekologistak Martxaneko kideak “Klima aldaketari buruzko gailurra Parisen, ingurumen mehatxuak eta TTIP” hitzaldia eskainiko du (gaztelaniaz) azaroaren 26an, Burtsako eraikinean (Pilota kalea, 10), 19:00etan.
Baionan, azaroaren 28an, Herriko Etxearen aurrean elkarretaratzea egingo dute hainbat taldek “Manifestatzeko eta borrokatzeko eskubidearen murrizketa oro ukatzen dugu” aldarrikatzeko, 11:00etan. Bazkalondoan This changes everything (Honek dena aldatzen du) dokumentala emango dute, Manu Robles Arangiz fundazioaren egoitzan, 15:00etatik aurrera. Naomi Kleinek idatzitako izen bereko liburuan oinarrituta, filmak klima aldaketari aurre egiteko premiaz ohartarazi eta haren aurkako borroka kapitalismoa gainditzeko biderik onena dela aldarrikatzen du. Proiekzioaren ostean, argazki bat egingo dute hara joandakoekin, Parisen egitekoak diren mobilizazioetara deitzeko.
Gasteizen eta Iruñean elkarretaratzeak egingo dituzte asteburuan. Gasteizkoa azaroaren 28an izango da, Andra Mari Zuriaren Plazan, 12:30ean. Iruñekoa, berriz, 29rako deitu dute Sarasate pasealekuan, eguerdiko 13:00etan. Kasu bietan, eta Bilboko manifestazioan bezala, “Baditugu alternatibak! Sistema aldatu, ez klima” leloa erabiliko dute.
Donostian “Klima Aldaketari Konponbideak” bizikleta martxak (ikus beherago) izango du protagonismoa. Azaroaren 28an, goizeko 11:00etan, informazio mahaia paratuko dute Bulebarrean; 17:00etan martxan dabiltzanei harrera egingo diete Udaletxean; 18:00etan Alderdi Ederretik abiatuko dira bizikletak, hirian zehar ibiltzeko; eta 19:30ean elkarretaratzea egingo dute, Alderdi Ederren ere bai. Azaroaren 29an, goizeko 9:00etan, Baionarantz abiatuko da martxa.
Bizikleta martxa, Pariserako bidean
Bestalde, Espainiako AMA elkarteak antolatutako “Klima Aldaketari Konponbideak” bizikleta martxa Euskal Herrian sartu zen azaroaren 24an. Abenduaren 10ean Parisera ailegatzea da helburua, handik bi egunera egin nahi den manifestazioan parte hartzeko.
Arabatik sartu zen martxa Euskal Herrira, eta azaroaren 30ean irtengo da Baionatik abiatuko den etapan. Bidean, parte hartzaileek sinadurak eramango dituzte Parisera. Modu horretan, akordio global eta loteslea eskatu nahi diete COP21en parte hartuko duten ordezkaritza garrantzitsuenei: AEB, Europar Batasuna, BRICS…
AMAren esanetan, COP21etik aterako den –eta Kyotoko Protokoloa ordeztuko duen– akordioak bermatu behar luke beroketa globala ez dela izango bi gradutik gorakoa, industrializazioaren aurreko garaiarekin alderatuta. Horixe da zientzialariek mugarritzat ezarri duten tenperatura igoera, honezkero saihestezina den klima aldaketa gizakiontzat erabat kontrolaezin bihurtu ez dadin.
Gailurraren aurretik munduko herrialdeek aurkeztu dituzten konpromisoak eta egin dituzten prestakuntza bilerak ez dira nahikoa izan helburu hori erdiesteko; aurrekari horiek ikusita, Parisko goi-bilera porrota izango dela iragarri dute askok.