Articles du Vendredi : Sélection du 6 novembre 2015

« La lutte contre le dérèglement climatique est la clé de la prospérité du XXIè siècle »

Pascal Canfin, ministre délégué au Développement auprès du ministre des Affaires étrangères en France de 2012 à 2014, il est depuis le 1er juillet 2014, Conseiller principal pour le climat du World Resources Institute (WRI), think tank américain classé comme le plus influent au monde sur les questions environnementales1, dans le cadre de la préparation de la Conférence de Paris de 2015 sur le climat. Parrain de Lurrama 2015.
www.enbata.info/articles/la-lutte-contre-le-dereglement-climatique-est-la-cle-de-la-prosperite-du-xxie-siecle

Déclaration Chine-France sur le climat : rien de contraignant, rien de bien nouveau !

Maxime Combes, économiste et membre d’Attac France.
http://blogs.mediapart.fr/blog/maxime-combes/021115/declaration-chine-france-sur-le-climat-rien-de-contraignant-rien-de-bien-nouveau

Le nucléaire, une fausse solution pour le climat !

RAC
http://macop21.fr/le-nucleaire-une-fausse-solution-pour-le-climat/

« La lutte contre le dérèglement climatique est la clé de la prospérité du XXIè siècle »

Pascal Canfin, ministre délégué au Développement auprès du ministre des Affaires étrangères en France de 2012 à 2014, il est depuis le 1er juillet 2014, Conseiller principal pour le climat du World Resources Institute (WRI), think tank américain classé comme le plus influent au monde sur les questions environnementales1, dans le cadre de la préparation de la Conférence de Paris de 2015 sur le climat. Parrain de Lurrama 2015.
www.enbata.info/articles/la-lutte-contre-le-dereglement-climatique-est-la-cle-de-la-prosperite-du-xxie-siecle

«Selon le FMI, les subventions aux énergies fossiles représentent 10 millions de dollars par minute dans le monde. Le premier enjeu est donc non pas de dépenser plus, mais de dépenser mieux ! Avec le dérèglement climatique, nous sommes face à un défi immense et historique et nous ne devons donc nous priver d’aucun levier : l’action individuelle, les collectivités locales, les entrepreneurs verts dont on a besoin pour la transition mais aussi bien sûr changer les pratiques des grandes entreprises et prendre les bonnes décisions politiques. ». Ce vendredi 6 novembre Pascal Canfin (*) parrain de Lurrama 2015 donnera une conférence sur les enjeux climatiques à 18h00. Il répond aux questions d’Enbata.info.

Quels sont les enjeux de la COP21 qui se déroulera à Paris du 30 novembre au 11 décembre ?

Aujourd’hui, la planète est sur la voie d’un réchauffement de +4 degrés depuis le début de l’ère industrielle. Ça peut sembler peu mais en réalité ces +4 degrés pourraient avoir des conséquences très graves pour nos sociétés et nos modes de vie, avec des terres englouties par la montée des océans, de plus grandes sécheresses, une baisse importante des rendements agricoles et donc de la sécurité alimentaire, etc.
L’enjeu principal de cette COP21 est donc que les Etats trouvent un accord afin de nous ramener sur une trajectoire qui ne dépasse pas +2 degrés de réchauffement, seuil au-delà duquel les scientifiques parlent de «point de non-retour». Et la conférence de Paris est bien la dernière chance d’y parvenir.

Idéalement, quel type de mesures pourraient être prises à Paris et pourraient réellement changer la donne ?

A Paris, les Etats vont s’engager sur plusieurs points. Tout d’abord, chaque pays a pris des engagements de réduction de gaz à effet de serre. Ces engagements nous font passer d’une trajectoire de 4 degrés à une trajectoire de 3 degrés. Il reste donc la moitié du chemin à parcourir. Cela passe notamment par un cadre qui oblige les Etats à rehausser leurs engagements tous les 5 ans, et dès que possible avant 2020.
Par ailleurs, Paris doit aussi être un moment de solidarité climatique mondiale. En 2009 à Copenhague, les pays développés s’étaient engagés à transférer 100 milliards de dollars par an pour le climat aux pays en développement d’ici 2020. A la COP21, les pays riches vont devoir montrer comment ils vont honorer cet engagement notamment vis à vis des pays les plus vulnérables qui, sans cette solidarité, n’ont aucune chance de faire face au dérèglement climatique.

Vers quoi se dirige (malheureusement) la décision finale qui risque de se prendre à Paris ?

Pour que Paris puisse être considéré comme un succès il faut d’une part que le premier accord universel soit trouvé. Je rappelle que le protocole de Kyoto ne couvre plus que 15 % des émissions de CO2. Mais encore faut-il que cet accord soit cohérent au regard de la limite des 2 degrés. Or, pour l’instant, nous n’y sommes pas et cela va être un des enjeux clés jusqu’à la dernière minute de se mettre d’accord sur des mécanismes qui font que le respect des 2 degrés reste possible. Par ailleurs, au-delà de l’accord, il faudra regarder tous les engagements pris par les collectivités locales – 1000 maires des grandes villes du monde entier seront à Paris pendant la COP –, les entreprises, le secteur financier pour évaluer l’impact de toutes les décisions prises à Paris.

Qu’est-ce qui explique que la crise économique et sociale semble couvrir l’urgence écologique/climatique ?

Les enquêtes d’opinion montrent une sensibilité croissante aux enjeux et aux conséquences du dérèglement climatique. Et cela va bien au-delà de la France ou de l’Europe. L’opinion publique la plus inquiète dans les enquêtes internationales est l’opinion chinoise !
Par ailleurs, il n’y a aucune opposition entre l’économie et écologie, bien au contraire !
Certains ont peur que la transition écologique se fasse aux dépends de l’économie et de l’emploi. Or c’est absolument l’inverse. La condition de notre prospérité au XXIe siècle, c’est justement de lutter contre le dérèglement climatique.

Comment expliquer la gravité de la situation climatique à nos concitoyen-nes sans tomber dans le fatalisme ou les paralyser avec l’effet de sidération ?

Il faut dire la vérité tout simplement. La vérité est que si l’on ne fait rien nous allons au devant d’un énorme problème et je ne vois pas au nom de quoi il faudrait mettre la tête dans le sable pour ne pas regarder la réalité en face. Mais la vérité c’est aussi que les solutions existent dans le domaine de l’énergie, des transports, de l’agriculture… et qu’il faut prendre maintenant les bonnes décisions.
Par ailleurs, chacun peut être partie prenante de cette solution par exemple en changeant de banque pour faire en sorte que son argent ne serve pas les énergies fossiles, en basculant vers un opérateur électrique 100% renouvelable comme Enercoop, en privilégiant les solutions alternatives à la voiture lorsque c’est possible, en diminuant sa consommation de viande et en achetant des produits frais et de saison à des producteurs locaux qui font le choix d’une agriculture respectueuse de la nature. Si nous sommes des millions en France à faire cela, je peux vous dire que l’impact sera rapide et radical !

« Quelle transition nécessaire devra être mise en place entre le modèle économique dominant, et celui qui s’imagine et s’expérimente ici et là?

Le modèle économique n’est dominant que parce que nous acceptons de nous y soumettre ! Tous les exemples que je viens de donner peuvent changer profondément le système économique si nous sommes nombreux à les suivre. Par ailleurs, je pense qu’il ne faut surtout pas opposer les modes et les niveaux d’actions. Nous sommes face à un défi immense et historique et nous ne devons donc nous priver d’aucun levier : l’action individuelle, les collectivités locales, les entrepreneurs verts dont on a besoin pour la transition mais aussi bien sûr changer les pratiques des grandes entreprises et prendre les bonnes décisions politiques. C’est l’ensemble qui fera l’écosystème du changement. Je sais bien que de nombreux lobbies sont là pour s’y opposer. A nous de les dénoncer et d’être plus forts.

Quel mécanisme de financement peut permettre/renforcer tout cela ?

Savez vous que, selon le FMI, les subventions aux énergies fossiles représentent 10 millions de dollars par minute dans le monde ! Le premier enjeu est donc non pas de dépenser plus, mais de dépenser mieux ! Par ailleurs j’ai rédigé au printemps un rapport à la demande du président de la République, « Mobiliser les financements pour le climat une feuille de route pour financer une économie décarbonée » , qui fait le point sur tous les outils de financement possible. Je pointe bien sur la taxe sur les transactions financières. La décision politique sur ce sujet doit être prise en novembre. Il faut là aussi que la pression citoyenne soit au rendez vous.

Déclaration Chine-France sur le climat : rien de contraignant, rien de bien nouveau !

Maxime Combes, économiste et membre d’Attac France.
http://blogs.mediapart.fr/blog/maxime-combes/021115/declaration-chine-france-sur-le-climat-rien-de-contraignant-rien-de-bien-nouveau

La déclaration commune des présidents chinois et français, ce lundi 2 novembre, a été saluée par François Hollande comme un « pas majeur » vers un accord « désormais possible ». La lecture du texte incite à beaucoup plus de prudence. Par contre 22 milliards de contrat sur le nucléaire !

La presse salue déjà une déclaration en faveur d’un « accord contraignant » à la COP21 (lire la déclaration ici). Pour Ségolène Royal, du voyage en Chine, la déclaration franco-chinoise est « un engagement solide, ambitieux & porteur d’espoir ». A moins de quatre semaines de l’ouverture de la COP21, les superlatifs sont de sortie comme en témoigne Laurence Tubiana, en charge des négociations pour la France, qui salue rien de moins qu’un « moment historique » et « un coup d’accélérateur » en vue de la Conférence de décembre. Qu’en est-il ?

Rappelons tout d’abord que ce texte n’est qu’une déclaration conjointe, entre deux présidents, comme il en existe de très nombreuses, sur de très nombreux sujets, et qu’elles n’ont pas de statut contraignant. Les engagements énoncés n’ont guère plus de valeur que des déclarations politiques traditionnelles. Qui se souvient qu’il existe « un partenariat bilatéral » entre la France et la Chine qui a été établi dans une Déclaration commune datant de 2007 ? S’il ne faut pas minorer la portée d’une telle déclaration – ce n’est pas tous les matins que nous avons des déclarations présidentielles conjointes portant sur le défi climatique – il est important de ne pas la surestimer non plus.

Contraignant ?

Selon les media, la France et la Chine s’engageraient pour « un accord contraignant » à la COP21. Que dit le texte ? Il rappelle le mandat de Durban qui fixe les objectifs de Paris, à savoir obtenir « un protocole, un autre instrument juridique ou un texte convenu d’un commun accord ayant valeur juridique, applicable à toutes les Parties ». Rien de nouveau. Il est ajouté que les deux présidents disent « renforcer leur détermination » afin de « parvenir à un accord de Paris (…) juridiquement contraignant ». Il n’est pas précisé sur quoi porte le caractère « contraignant » de l’accord – pas plus que la façon dont cette contrainte pourrait s’exercer. Difficile d’en savoir plus parce que c’est la seule occurrence du terme tout au long des 21 paragraphes. Par contre le texte regorge de références sur le fait que les objectifs sont déterminés au niveau national et non pas au niveau international.

Ambitieux ? Non, abandon des 2°C pour Paris !

Dans ce même paragraphe 2, il est écrit que cet accord doit-être « ambitieux ». Néanmoins les deux présidents reconnaissent qu’il ne respectera pas l’objectif des 2°C : cet objectif, loin d’être la pierre angulaire de l’accord, ne doit être que « gardé à l’esprit ». Cette formulation, qui peut passer inaperçue lors d’une première lecture, est en fait une façon clairement assumée de reconnaître l’incapacité des Etats à respecter le mandat assigné pour Paris. La formule « contenir l’élévation de la température mondiale en dessous de 2°C » est bien mentionnée dans le paragraphe suivant, mais elle n’est pas mentionnée comme un des objectifs de l’accord de Paris, actant ainsi le décalage entre le nécessaire (les 2°C ou moins) et ce qu’il y a sur la table (les 3°C ou plus).

 

Toujours selon ce paragraphe 2, l’accord doit être « fondé sur l’équité ». C’est-à-dire qu’il doit « refléter le principe des responsabilités communes mais différenciées ainsi que les capacités respectives, compte tenu des différentes situations nationales ». Nous retrouvons là les formules usitées dans les négociations et ayant conduit à ce que 150 pays rendent publiques leurs contributions nationales (réduction d’émissions, financements, etc) qui programment un réchauffement climatique supérieur à 3°C (voir notre analyse). Sur la base de ces principes d’équité et de responsabilités différenciées, une évaluation menée par des ONG, syndicats et mouvements a montré que la contribution de l’Union européenne ne représente qu’un peu plus de 20% de ce qu’elle devrait mettre sur la table. Pour être équitable, François Hollande a-t-il prévu d’intervenir pour que la copie de l’UE soit revue la hausse ?

Clause de révision ?

Dans sa déclaration publique depuis Pékin, François Hollande s’est félicité qu’il soit désormais possible, suite à cette déclaration conjointe, d’introduire dans l’accord de Paris une clause de révision tous les cinq ans qui permette de « revoir les objectifs à la hausse ». La déclaration des deux présidents est bien plus vague. Le terme de « clause de révision » n’apparait pas dans le texte. Il est mentionné que les deux présidents sont « favorables à ce qu’une revue complète ait lieu tous les cinq ans sur les progrès accomplis en vue de l’atteinte des objectifs à long terme agréés ». Cette « revue » doit « aider les Parties à renforcer régulièrement leurs actions d’une manière décidée au niveau national ».

Dans la version anglaise du texte, ce sont les termes “taking stock” et “stocktake” qui sont utilisés (et non les termes “ratchet”, “mecanism” ou “upward revision”) : des termes qui renvoient à la notion d’inventaire, et non à celle de “mécanisme de révision à la hausse” comme l’affirme François Hollande. Les deux présidents se sont donc engagés à ce qu’une étude soit faite tous les cinq ans, sans que l’on sache qui la conduira et comment elle pourrait être utilisée ; s’ils proposent que les résultats de cette étude soient utilisés pour « renforcer leurs actions », c’est le flou qui demeure. Des actions qui resteront déterminées « au niveau national », ie sans contrainte internationale. Résultat : le texte ne propose aucun mécanisme de révision des engagements nationaux qui soit systématique, à la hausse, basé sur les données scientifiques et de nature à réduire le décalage entre le réel (3°C ou plus) et le souhaitable (2°C ou moins), tel que le souhaitent les ONG, associations et syndicats.

Croissance ou climat ?

François Hollande et XI Jinping écrivent qu’ils veulent « orienter l’économie mondiale sur la voie d’une réduction des émissions de carbone durant ce siècle » mais c’est à la condition que ce soit « à un rythme compatible avec une croissance économique forte » (paragraphe 4). Or, en moyenne, un point de PIB supplémentaire implique toujours 0,6 point d’augmentation de la consommation d’énergie fossile. Conditionner la réduction d’émissions à de forts taux de croissance économique revient donc à s’engager à augmenter fortement les émissions de gaz à effet de serre dans les années à venir et … à parier que de nouvelles technologies, un jour, puissent satisfaire ce mythe du découplage absolu entre croissance et émissions jamais observé. Le paragraphe 9 de cette déclaration donne d’ailleurs un rôle essentiel à « l’innovation technologique », repoussant à plus tard, et sur d’hypothétiques sauts technologiques, des réductions d’émission qui devraient être engagées aujourd’hui.

Développés / en développement !

Depuis plusieurs années, les pays du Nord tendent à faire sauter la distinction entre pays développés et pays en développement au nom du fait que le monde a changé et que quelques grandes puissances du Sud (Chine, Inde, Brésil, Afrique du Sud etc) devraient être désormais considérées en tant que tel. Cette déclaration reprend néanmoins assez précisément cette ligne de démarcation : là où les pays développés sont invités à adopter « des objectifs ambitieux chiffrés en matière de réductions des émissions en valeur absolue pour l’ensemble de l’économie », les pays en développement peuvent se contenter de « renforcer au fil du temps leurs actions d’atténuation » et ne « s’orienter que progressivement vers des objectifs chiffrés de réduction ou de limitation des émissions pour l’ensemble de l’économie », en tenant compte de « leurs situations nationales » (paragraphe 5).

Idem sur la question de financements où les pays développés sont invités à « apporter et mobiliser un soutien accru en matière de financement, de technologies et de renforcement des capacités en direction des pays en développement » pour l’après 2020. Sur l’autre versant, celui des pays en développement, il est indiqué que « le soutien complémentaire apporté par d’autres pays désireux de le faire devrait être encouragé et reconnu » (paragraphe 8). Un des gros points durs de la négociation, à savoir gommer la différenciation entre pays développés et pays en développement (principalement la Chine et autres puissances du Sud) pour l’après 2020, à la demande des Etats-Unis, n’est donc pas levé. Au contraire, cette déclaration tend à la réaffirmer.

On notera au passage que cette déclaration n’annonce pas de nouveaux financements : « la France réitère son engagement de porter son soutien annuel de 3 milliards d’euros actuellement à plus de 5 milliards d’euros en 2020 » tandis que « la Chine annonce à nouveau qu’elle débloquera 20 milliards de yuans pour mettre en place le Fonds chinois de coopération sud-sud sur le climat ».

Soutien aux marchés carbone – rien de contraignant sur les fossiles

Si le terme « contraignant » n’apparait qu’à une seule reprise dans le texte, celui de « marchés carbone » apparaît deux fois. Les deux présidents se félicitent d’abord du « développement d’un marché national du carbone en Chine » (paragraphe 13) puis ils affirment que le G20 a un rôle à jouer pour « promouvoir (…) les mécanismes du marché du carbone » (paragraphe 21). C’est dans ce même paragraphe que sont évoquées les subventions aux combustibles fossiles, dont il est dit que le G20 doit agir pour les éliminer « progressivement ». On a connu formule plus déterminée et engageante.

Vive le nucléaire !

Peut-être était-ce le véritable objectif du déplacement de François Hollande en Chine. Un accord de coopération industrielle sur le recyclage des déchets nucléaires a été signé qui pourrait se monnayer autour de 20 milliards d’euros. Une majorité du marché pourrait être pris par Areva, dont l’action s’est immédiatement appréciée en bourse (voir la dépêche de Bloomberg).

Maxime Combes, économiste et membre d’Attac France.

Il publie Sortons de l’âge des fossiles ! Manifeste pour la transition, Seuil, coll. Anthropocène et il a co-coordonné Crime Climatique Stop ! L’appel de la société civile, Seuil, Anthropocène.

Le nucléaire, une fausse solution pour le climat !

RAC
http://macop21.fr/le-nucleaire-une-fausse-solution-pour-le-climat/

L’annonce du PDF d’EDF Jean-Bernard Levy dans le cadre de la stratégie  « CAP 2030 » de ne pas seulement prolonger la durée de vie des réacteurs nucléaires existants à 50 voir 60 ans mais aussi d’en construire 30 à 40 nouvelles tombe « à pic » juste devant la COP21 à Paris…

Au delà des risques considérables liés au nucléaire civil, des études montrent que le nucléaire, en dépit de ces faibles émissions par kWh, ne permet pas de lutter contre les changements climatiques. Il peut même bloquer le développement des énergies renouvelables et représente des coûts qui peuvent dépasser même ceux des énergies renouvelables.

Le nucléaire ne permet pas de lutter contre les changements climatiques

Certes, les émissions d’un kWh nucléaire sont faibles (elles sont équivalentes de celles des énergies renouvelables) mais ceci ne suffit pas pour faire du nucléaire la solution dans la lutte contre les changements climatiques.

Plusieurs raisons s’y opposent :

1. Les risques qui sont indissociables du recours au nucléaire

La nature des risques associés au nucléaire en fait une option très singulière.

2. La prolifération, menace occultée, majeure et persistante

Historiquement, le premier risque associé au nucléaire civil est celui du détournement des matières qu’il utilise ou des technologies qu’il emploie à des fins militaires. Si les conséquences locales de l’emploi d’un explosif nucléaire seraient en soi désastreuses, un conflit généralisé pourrait même conduire à un « hiver nucléaire » fatal à l’humanité.

Un risque réévalué et croissant d’accident nucléaire

Les accidents nucléaires majeurs, dont la fréquence s’avère plus de 100 fois supérieure à la prévision, révèlent la fragilité des dispositions prises pour les éviter. Leurs conséquences sont très lourdes pour les populations et pour l’économie des pays concernés. De nombreux facteurs – vieillissement, pression économique, terrorisme… – contribuent à renforcer ce risque. Aussi, les impacts des changements climatiques (canicules, grands froids, inondations etc.) sont de nouvelles menaces pour le fonctionnement des réacteurs, pour lesquelles ils ne sont pas toujours bien dimensionnés. L’impact économique d’un accident majeur se compte en centaines de milliards d’euros[1]. Pourtant la responsabilité des exploitants nucléaires est limitée à 700 millions d’euros.

L’accumulation des déchets, matières et sites

L’exploitation de l’énergie nucléaire génère des déchets, dont les plus radioactifs ne font -nulle part dans le monde- l’objet d’une solution définitive de gestion. La France prévoit de stocker des déchets à grande profondeur : le projet Cigéo, très contesté, devrait coûter plusieurs dizaines de milliards d’euros.

Entre temps, le stock mondial de déchets nucléaires a atteint 1,5 millions de tonnes en 2013[2] sans perspective de stockage de longue durée…

3. Le rôle limité de l’électricité nucléaire dans la consommation d’énergie globale

Le rôle du nucléaire dans la lutte contre les changements climatique est limité : premièrement, parce que l’électricité ne représente à l’échelle mondiale que 18% de l’énergie finale consommé ; deuxièmement, parce que le nucléaire représente seulement 10,8% de l’électricité produite, un pourcentage faible qui est en plus en déclin depuis 20 ans… Le champ d’action du nucléaire reste donc limité !

Au total, les émissions évitées par le nucléaire atteignent un peu moins de 4% des émissions de CO2. C’est 20 fois moins que les émissions ajoutées au bilan mondial depuis le démarrage des premiers réacteurs.

4. Le « verrouillage » d’un système de production électrique très nucléarisé

L’analyse des scénarios énergétiques pour la France dans le cadre du débat national sur la transition énergétique a montré un lien étroit entre l’atteinte du « Facteur 4″ au niveau des émissions de gaz à effet de serre en 2050 et une division par deux de la consommation d’énergie finale. Les scénarios qui atteignent ces deux objectifs sont également ceux qui éliminent assez rapidement le nucléaire du mix électrique. Le développement des énergies renouvelables (pas uniquement électriques) est la clé pour le respect des objectifs climatiques. Le nucléaire, avec son fonctionnement « en base » (c’est-à-dire aussi continu que possible) et la structure hyper-centralisée du réseau électrique qu’il impose, entre rapidement en contradiction avec le développement de solutions flexibles sur la demande et de productions variables et décentralisées.

5. La non compétitivité du nucléaire par rapport aux renouvelables

Les réacteurs existants sont relativement compétitifs car leur investissement initial est largement amorti. Cette compétitivité s’érode cependant rapidement, sous l’effet de l’augmentation de leurs coûts de production (travaux nécessaires dus au vieillissement et augmentation du niveau de sureté des installations qui se chiffre à plusieurs milliards d’euros par réacteur) et des progrès constatés chez les énergies renouvelables. Le réacteur EPR, dont le coût de construction s’envole, produirait l’électricité autour de 90 à 110€/MWh, soit environ 30% plus cher que l’éolien terrestre standard.

Les deux EPR qui seront construits en Angleterre coûteront 7 fois plus cher que l’investissement dans une puissance équivalent d’éolienne terrestre – 10000 € le kW.[3]

Le kWh nucléaire pas cher est donc largement mis en question.

EDF se moque de l’esprit de la loi « transition énergétique »

Au-delà de tous ces arguments qui montrent objectivement que le nucléaire n’a pas de place dans le panthéon des vraies solutions aux changements climatiques, il est choquant qu’EDF se moque si ouvertement de l’esprit de la loi sur la transition énergétique. Cette loi prévoit de ramener la production électrique nucléaire à 50% à l’horizon 2025. L’unique objectif qui apparaît dans les médias et qui est présenté comme un frein au développement du nucléaire est le plafonnement de la puissance maximum des réacteurs à 63MW, ce qui rend nécessaire la fermeture de Fessenheim pour pouvoir connecter la centrale de Flamanville au réseau.

Il est temps que le gouvernement français montre les limites à la « mégalomanie atomique » d’EDF !

Rôle limité du nucléaire dans les INDCs

Le rôle marginal du nucléaire dans la lutte contre les changements climatiques se montre clairement dans les contributions des pays à la COP21[4]. Ces contributions écrites, qui précisent les objectifs climatiques des pays, communiquées au secrétariat de la COP, considèrent assez rarement le nucléaire civil comme solution de réduction de gaz à effet de serre.

Seules les contributions de la Chine, de la Jordanie, de l’Argentine, de la Turquie, du Niger et de l’Inde le mentionnent. Deux pays (la Macédoine et Singapour) l’excluent ouvertement des solutions climatiques.

 

Le RAC-F publie avec les Amis de la Terre, la Fondation Heinrich Böll, France Nature Environnement, Greenpeace, le Réseau Sortir du Nucléaire et Wise Amsterdam, deux plaquettes et une étude rédigée par Wise-Paris

Toutes les informations sur ces publications : www.rac-f.org/Nucleaire-une-fausse-solution-pour-le-climat

 

 

[1] IRSN (2013) « Méthodologie appliquée par l’IRSN pour l’estimation des coûts d’accidents nucléaires en France »

[2] Selon les estimations de l’association de l’industrie nucléaire WNA

[3] http://blogs.mediapart.fr/blog/benjamin-dessus/261015/les-epr-d-hinkey-point-ruineux-pour-le-royaume-uni-et-la-france

[4] Intended Nationally Determined Contributions http://unfccc.int/focus/indc_portal/items/8766.php