Articles du Vendredi : Sélection du 14 novembre 2014

“Un enfant né en 2014 a toutes les chances de connaître l’apocalypse climatique”


http://tempsreel.nouvelobs.com/planete/20141103.OBS3898/un-enfant-ne-en-2014-a-toutes-les-chances-de-connaitre-l-apocalypse-climatique.html

La transition énergétique n’est pas pour demain

Valéry Laramée de Tannenberg
www.journaldelenvironnement.net/article/la-transition-energetique-n-est-pas-pour-demain,52210?xtor=EPR-9

Climat : l’annonce Etats-Unis-Chine est-elle historique? Pas vraiment

Maxime Combes
http://blogs.mediapart.fr/blog/maxime-combes/121114/climat-lannonce-etats-unis-chine-est-elle-historique-pas-vraiment

Polluer est un crime contre la santé publique

Dominique Belpomme
www.reporterre.net/spip.php?article6565

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“Un enfant né en 2014 a toutes les chances de connaître l’apocalypse climatique”


http://tempsreel.nouvelobs.com/planete/20141103.OBS3898/un-enfant-ne-en-2014-a-toutes-les-chances-de-connaitre-l-apocalypse-climatique.html

REVUE DE PRESSE. Les éditorialistes se font l’écho des experts sur le climat, qui ont délivré un “message alarmiste” dimanche.
“Apocalypse climatique”, “défi immense”, “signal d’alarme”… Au lendemain de la publication par les experts sur le climat d’une évaluation mondiale alarmante, les éditorialistes de la presse quotidienne veulent croire à une réaction des politiques. Même s’ils jugent sévèrement “les écologistes” qui “feraient mieux de se concentrer sur cette question vitale du réchauffement climatique, plutôt que de se retrouver à manifester aux côtés d’anarchistes ou de casseurs”. Revue de presse.

“Voici un quart de siècle, lors de la création du Groupement d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), il faisait froid à la Toussaint. On se rendait dans les cimetières avec des manteaux. Or nous venons de passer un week-end en tee-shirts et lunettes de soleil !” s’emporte Alain Dusart dans “L’Est Républicain”. “Pendant ce temps, à Copenhague, les experts du Giec étaient à l’ouvrage. En présence du secrétaire général de l’ONU, ils ont délivré un nouveau message alarmiste sur les ‘effets sévères et irréversibles’ du réchauffement climatique.”

“Un round de négociations va s’étirer pendant un an avant la conférence de Paris fin 2015 où les pays signataires devront s’engager. À ce stade, le pessimisme est de rigueur. En un siècle, la température a grimpé de presque 1 degré et le niveau des mers de 19 centimètres”, s’alarme l’éditorialiste.

Un enfant né en 2014 a toutes les chances de connaître l’apocalypse climatique puisque, sur le siècle écoulé, la teneur en dioxyde de carbone est supérieure à celle produite pendant 800.000 ans.”

Et de prévenir : “D’ici à 2050 il faudra réduire cet accélérateur des gaz à effet de serre de 40 % à 70 %, et les supprimer d’ici à 2100. Le tout dans un esprit de coopération, c’est-à-dire en renonçant aux intérêts particuliers. Autant dire une belle utopie et un défi immense à relever si l’humanité ne veut pas finir carbonisée.”

“Un compromis est atteignable”

“En adoptant en octobre un nouveau plan de réduction des émissions de gaz à effet de serre correspondant au minimum requis par les experts du Giec, l’Union Européenne a démontré qu’un compromis est atteignable entre des pays aux intérêts divergents, y compris dans un contexte économique plaçant logiquement la croissance et l’emploi en tête des priorités”, se réjouit malgré tout Dominique Garraud, dans les colonnes de “La Charente Libre”.

“Il revient singulièrement à François Hollande de convaincre les plus réticents des pays qui se retrouveront en décembre à Lima pour préparer la conférence de Paris. Sa visite officielle débutée hier dans un Canada pleinement engagé dans l’exploitation – ravageuse – pour l’environnement de ses ressources en gaz et en pétrole de schiste aura ainsi valeur de test.”

Les écolos “nuisent à la cause suprême qu’ils devraient défendre”

“Les écologistes feraient mieux de se concentrer sur cette question vitale du réchauffement climatique, plutôt que de se retrouver à manifester aux côtés d’anarchistes ou de casseurs”, juge de son côté Bruno Dive, pour “Sud-Ouest”. “Par la multiplication de déclarations intempestives de leurs leaders, par leurs réticences ou leur retard à condamner des violences inadmissibles, ils nuisent à leur crédit et à la cause suprême qu’ils devraient défendre.”

Cécile Duflot, pour ne citer qu’elle, donne l’impression d’être plus en guerre contre François Hollande ou Manuel Valls, que pour la préservation de la planète.”

“Sans doute ce président et ce gouvernement ne montrent-ils pas une fibre verte très poussée”, affirme l’éditorialiste. “Mais ils ont fait voter une loi sur la transition énergétique que les écologistes ont agréée. […] Cette cause est noble ; elle est même vitale. Pourquoi la discréditer en s’affichant dans des manifestations avec des “alliés” pour le moins douteux et souvent violents ? Rien ne devrait faire “barrage” à la lutte contre le dérèglement climatique.”

“Avant qu’il ne soit trop tard”

“La montée des épisodes climatiques extrêmes fragilisant la sécurité alimentaire et la disponibilité en eau, les décennies à venir vont voir s’amplifier les déplacements de populations et les conflits pour l’accès aux ressources”, prédit quant à lui Philippe Waucampt dans “Le Républicain Lorrain”. “En tirant une nouvelle fois le signal d’alarme, le Giec tente de mobiliser les Etats avant qu’il ne soit trop tard. L’objectif de limiter à deux degrés l’augmentation de la température d’ici à 2050 suppose de réduire de moitié au minimum les émissions de gaz à effet de serre. Ce que l’accès à un pétrole redevenu moins cher est loin de garantir.”

Et l’éditorialiste de s’inquiéter du “risque de voir l’actuel monde multipolaire s’avérer encore plus incontrôlable politiquement [et] d’observer une radicalisation de la conscience écologiste dont les événements de ces derniers jours en France ne sont sans doute qu’un avant-goût”.

La transition énergétique n’est pas pour demain

Valéry Laramée de Tannenberg
www.journaldelenvironnement.net/article/la-transition-energetique-n-est-pas-pour-demain,52210?xtor=EPR-9

Dans son rapport annuel, l’Agence internationale de l’énergie esquisse notre futur énergétique à l’aune des politiques mises en œuvre. Résultat prévisible: un réchauffement de 3,6°C d’ici la fin du siècle.

La transition énergétique aura-t-elle lieu? Valable pour la France, la question se pose aussi (et surtout) pour le monde. Car, en décortiquant le volumineux rapport annuel de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), on ne peut qu’être sidéré par la totale inadéquation entre le message délivré, la semaine passée encore, par les climatologues du Giec[1] et les politiques énergétiques mises en œuvre ou en projet.

Les auteurs du 5e rapport d’évaluation du Giec nous posent une équation simple. Si nous voulons avoir une chance raisonnable de stabiliser le réchauffement à 2°C (par rapport à l’ère pré-industrielle), nous devons collectivement limiter à 1.000 milliards de tonnes nos émissions totales de CO2. Or, pour toutes sortes de raisons, nous allons exploser ce plafond de carbone. Et rapidement.

Démographie et développement

Il y a, bien sûr, le développement. D’ici le milieu du siècle, la population mondiale passera de 7 à 9 milliards. Le produit intérieur mondial devrait continuer de croître de plus de 3% l’an au cours des prochaines décennies. Les électriciens, les gaziers et les concessionnaires auto ne cesseront de gagner de nouveaux clients. En conséquence, notre appétit énergétique s’ouvrira toujours plus.

Entre 2012 et 2040, estime ainsi l’AIE, l’humanité va accroître de 37% ses consommations de pétrole, de gaz, de charbon et d’électricité. Du moins, si nous tenons toutes nos promesses, comme le paquet Energie Climat 2030 ou l’accord sino-américain. Car si nous continuons sur notre lancée sans rien changer, notre demande de kilowattheures et de barils de brut pourrait bondir de 50%.

Autre incertitude: la nature de notre mix énergétique. A moins, là encore, de tout changer, il sera fortement carboné. Environ 80% de l’énergie que nous consommons nous est fournie par les hydrocarbures. Et cela restera vrai en 2040.

Financer les hydrocarbures de demain

Bien sûr, des tensions ne sont pas à exclure. L’AIE s’inquiète des conséquences pour l’approvisionnement en hydrocarbures des crises russo-ukrainiennes, des conflits au Moyen-Orient ou du rapide déclin du pétrole et du gaz de schiste aux Etats-Unis. Pour autant, l’AIE maintient les mêmes prévisions d’évolution du prix du brut qu’en 2013: 112 dollars (89,8€) le baril en 2020 (113 $ l’an passé), 123 $ (98,6 €) en 2030 (121 $ l’an passé). Etonnant alors que le prix du pétrole a chuté de 25% depuis l’été. Ce qui n’est pas du goût de tout le monde.

Déclin prochain

En effet, les gisements d’huile conventionnelle commenceront vraiment à décliner à partir de 2030. La baisse de leur productivité pourra être compensée par l’accroissement de la production d’hydrocarbures non conventionnels, justement: pétrole offshore brésilien, sables bitumineux canadiens, huiles extra-lourdes de l’Orénoque. Ces gisements sont exploitables, mais à des coûts bien plus élevés que le pétrole saoudien ou texan. Ils ne le seront que si les compagnies pétrolières peuvent amortir leurs investissements dans le domaine de l’exploration-production.

L’appétit énergétique ne dynamisera pas seulement les activités pétrolières et gazières (enfin, si les prix repartent à la hausse). Le scénario de référence de l’AIE table sur une augmentation de 0,5% de la demande en charbon au cours des 25 prochaines années. Si tel est bien le cas, houille, anthracite et lignite seront la seconde source d’énergie la plus consommée, en 2040, après le pétrole. Mais juste avant le gaz naturel.

Gérer les combustibles usés

L’énergie nucléaire ne sera pas coulée par la catastrophe de Fukushima. Loin s’en faut. Les projections «moyennes» du World Energy Outlook 2014 tablent sur un parc mondial de 624 gigawatts électriques en 2040, contre 392 GWe l’an passé. Pour ce faire, les électriciens devront toutefois résoudre deux problèmes.

Il faudra trouver des exutoires définitifs aux déchets nucléaires. L’AIE rappelle ainsi qu’aucun pays nucléaire ne dispose d’installation de taille industrielle à ce jour. Inquiétant, si l’on se souvient qu’en 2040 ils devront gérer 705.000 tonnes de combustibles usés (très radioactifs): deux fois plus qu’en 2013. Dans 25 ans, les industriels devront avoir aussi démantelé bon nombre de réacteurs, pour un coût qui reste très incertain. Pour la seule Europe, une soixantaine seront mis à l’arrêt d’ici 2040: l’équivalent du parc exploité, en France, par EDF.

Les renouvelables ne connaîtront pas la crise. L’agence de l’OCDE estime que la puissance installée éolienne et solaire pourrait atteindre 4.550 GW en 2040. Près d’1 électron sur 5 serait alors produit par des sources d’énergies renouvelables (ENR), contre 1 sur 8 aujourd’hui.

Pas suffisamment d’ENR

En 2040, les ENR éviteront l’émission de plus de 7 milliards de tonnes de CO2 par an (deux fois plus qu’aujourd’hui!). Pour autant, cela restera très insuffisant pour bien gérer notre budget carbone. Les politiques en cours accroîtront nos rejets carbonés de 17% à 50%. A ce rythme, calculent les experts de l’AIE, nous sommes sur la voie d’un réchauffement de 3,6°C d’ici la fin du siècle.

Le pire n’est pourtant pas certain. Les auteurs du rapport rappellent que nous avons à notre disposition toutes les solutions et techniques nécessaires pour abattre nos émissions suffisamment pour stabiliser le réchauffement. Sans surprise, il s’agit tout à la fois de donner un prix aux émissions de CO2, de cesser de subventionner la consommation d’énergie (550 Md$/an ou 441Md€), de développer les énergies décarbonées et le captage géologique de CO2 et de favoriser l’intégration des dernières technologies dans les secteurs du transport et du bâtiment.

La mise en œuvre immédiate de ce programme permettrait, rappelle l’AIE, de stabiliser à 450 parties pour million (ppm) la concentration atmosphérique


[1] Giec: Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat

Climat : l’annonce Etats-Unis-Chine est-elle historique? Pas vraiment

Maxime Combes
http://blogs.mediapart.fr/blog/maxime-combes/121114/climat-lannonce-etats-unis-chine-est-elle-historique-pas-vraiment

Un accord inédit. Voire même « historique » pour certains, reprenant là les mots de Barack Obama sans les mettre en perspective. Ce mercredi 12 novembre, médias et commentateurs saluent de manière quasiment unanime l’annonce conjointe Etats-Unis – Chine. Qu’en est-il réellement?

Les faits.

Barack Obama et Xi Jinping ont annoncé ce mercredi à Pékin leurs objectifs en matière de réduction d’émissions de gaz à effet de serre (GES). Les Etats-Unis annoncent une réduction de 26 à 28 % de leurs émissions d’ici 2025 par rapport à 2005. Quant à la Chine, elle envisage d’atteindre un pic des siennes autour de 2030, si possible avant est-il précisé.

Ces annonces sont-elles inédites ?

Au sommet de Ban Ki-moon sur le climat le 23 septembre dernier à New-York (ici un Mémo des résultats), Zhang Gaoli, premier vice-premier ministre de Chine, avait déjà annoncé que la Chine voulait au plus tôt atteindre un pic d’émissions pour ensuite les réduire. Par ailleurs, la Chine avait déjà annoncé vouloir réduire l’intensité carbone (émissions de GES par unité de PIB) de son économie de 40% à 45% d’ici à 2020 par rapport à 2005. Seule l’annonce de la date butoir de 2030, assez éloignée, est donc nouvelle. De leur côté, les Etats-Unis et Barack Obama s’étaient jusqu’ici limités à des objectifs pour 2020, à savoir une réduction des émissions de 17% par rapport à 2005. L’annonce d’un objectif pour 2025 est donc inédit.

Ces annonces sont-elles historiques ?

Si les émissions en Chine n’atteignent un pic que vers 2030, cela signifie qu’elles continueront à augmenter jusque-là. Malgré une probable amélioration significative de l’intensité carbone de l’économie chinoise dans les années à venir, les dirigeants chinois viennent donc d’annoncer qu’ils continueront de battre chaque année un record d’émissions de gaz à effet de serre, et ce pendant les 15 prochaines années. En un sens, cette annonce chinoise est effectivement historique (sic). Quant aux Etats-Unis, il est à noter que leurs engagements de réduction sont établis par rapport au niveau d’émissions atteint en 2005. Soit l’année où les émissions américaines ont été les plus fortes jamais observées, avec près de 7200 Mt CO2e. Ramenés à 1990, année de comparaison internationale, les objectifs américains sont tout à fait modestes : -13,8 % en 2025 par rapport à 1990. Soit un effort annuel d’à peine -0,43 %. Historique ?

Ces annonces sont-elles à la hauteur des enjeux ?

La synthèse des rapports du GIEC publiée le 2 novembre dernier a rappelé les objectifs à atteindre. Pour rester en deçà d’un réchauffement de 2 °C d’ici la fin du siècle, il faudrait ne pas dépasser une concentration de gaz à effet de serre dans l’atmosphère de 450 partie par million (ppm). Pour ce faire, les émissions mondiales doivent être réduites de 40 % à 70 % d’ici 2050, par rapport à 2010, et ramenées à un niveau « proche de zéro » d’ici à 2100. Le GIEC insiste sur la nécessité d’une très nette inflexion des émissions mondiales d’ici à 2020, en invitant les pays les plus émetteurs et les plus en mesure de le faire, à réduire très significativement leurs émissions d’ici là.

Les Etats-Unis et la Chine représentent près de la moitié des émissions mondiales (environ 45 %). Leurs réductions d’émissions d’ici 2050 sont donc cruciales. Au regard de leurs responsabilités historiques bien plus importantes, les Etats-Unis devraient a minima, comme l’Union européenne, réduire d’a minina de 80 % leurs émissions d’ici 2050. A supposer qu’ils atteignent l’objectif qu’ils se sont fixés pour 2025, cela supposerait qu’ils réduisent leurs émissions de près de 5 % par an entre 2025 et 2050, soit dix fois plus que l’objectif annuel qu’ils se sont fixés pour 2025. Autrement dit, les Etats-Unis repoussent à l’après 2025 l’essentiel de l’effort qu’ils doivent fournir. Côté chinois, tout objectif de réduction d’émissions en volume est donc repoussé à l’après 2030. Ni les Etats-Unis ni la Chine ne sont donc en adéquation avec les objectifs fixés par le GIEC.

Comment interpréter ces annonces ?

Bien plus que des engagements chiffrés, l’annonce conjointe des Etats-Unis et de la Chine doit être interprété pour ce qu’elle signifie sur le plan géopolitique. L’annonce a été faite en dehors de toute négociation internationale, ce qui revient à les marginaliser et les délégitimer. Si les deux puissances mondiales peuvent s’entendre de leur côté, que reste-t-il à négocier à 194 pays en terme de réduction d’émissions ? Mieux, les Etats-Unis se fixent un objectif pour 2025 là où les négociations internationales invitent les Etats à fixer des objectifs pour 2030. Cette annonce signifie simplement que ni les Etat-Unis ni la Chine ne se laisseront imposer des objectifs de lutte contre les dérèglements climatiques. Ni par l’ONU, ni par les autres pays, ni par les exigences scientifiques.

Avec cette annonce, les Etats-Unis et la Chine expriment clairement que leurs engagements en matière de climat sont fonction de leurs propres situations nationales et de l’équilibre géopolitique entre leurs deux puissances, et non du partage des efforts planétaires à accomplir. Aucune des deux puissances ne souhaite s’engager à la hauteur des enjeux, surtout pas de manière unilatérale. Les Etats-Unis et la Chine viennent donc d’enfouir la lutte contre les dérèglements climatiques dans les tréfonds de la géopolitique internationale. En présentant sous leur annonce conjointe de façon très positive, la diplomatie américaine et chinoise gèlent de fait les négociations internationales dans une inaction globale quasi généralisée. Tout possibilité d’accord contraignant – dont ni les Etats-Unis ni la Chine ne veulent – juste et à la hauteur des enjeux à la conférence de l’ONU à Paris en 2015 n’est donc plus qu’une illusion.

Que faire ?

Les ONG, les mouvements sociaux et écologistes, les citoyen-ne-s et l’ensemble des commentateurs et faiseurs d’opinion ont désormais deux options. Suivre les éléments de langage communiqués par la diplomatie américaine et la diplomatie chinoise et se féliciter d’un tel accord, contribuant ainsi à entériner l’absence d’ambition et le gel diplomatique des négociations autour des plus grandes puissances mondiales. Ou bien, il est possible d’expliquer la situation, de s’appuyer sur des faits, d’évaluer les engagements et de démystifier ce qui n’est absolument pas un accord historique à la hauteur des enjeux. Ne pas se raconter d’histoire et faire preuve de lucidité.

Ce faisant, avec des engagements aussi limités, les Etats-Unis et la Chine prennent le risque, si tant est que l’opinion publique mondiale s’empare de la question, de se retrouver en première ligne des responsables de l’aggravation des dérèglements climatiques à venir. A ne pas vouloir assumer de leadership en matière de lutte contre les dérèglements climatiques, pas plus que l’Union européenne dont les objectifs ne sont pas à la hauteur des enjeux, ils pourraient se retrouver mis à l’index par la société civile internationale. A condition de ne pas tomber dans le piège de l’inaction tendu par les diplomaties américaine et chinoise.

Maxime Combes, membre d’Attac France et de l’Aitec, engagé dans le projet Echo des Alternatives (www.alter-echos.org)

Polluer est un crime contre la santé publique

Dominique Belpomme
www.reporterre.net/spip.php?article6565

La santé se dégrade dans le monde, essentiellement en raison de la dégradation de l’environnement et des polluants chimiques. Il est temps de poser la question de la responsabilité morale des auteurs de cette dégradation.


La santé est sans doute le bien le plus précieux que nous possédions. Pourtant, malgré les analyses et recommandations de l’OMS (Organisation mondiale de la santé), celle-ci se dégrade partout dans le monde et notre pays n’y échappe pas. Cancers, diabète, obésité, allergies, maladie d’Alzheimer, affections psychiatriques, handicaps sont en effet devenus autant de fléaux de santé publique que nos systèmes de soins peinent à maîtriser, malgré les progrès de la médecine.

L’enfant n’est pas épargné puisque chez lui, on observe la progression des malformations congénitales et de l’autisme, sans compter celle du cancer et de l’obésité. Aujourd’hui dans les pays dits développés, c’est un enfant sur quatre-vingt qui naît autiste ! Du jamais vu !

Comment les systèmes de soins et de Sécurité sociale pourront-ils faire face dans le futur à cette situation inédite ? Puisque selon les données de l’Assurance maladie de notre pays (1), c’est 15 % de la population, soit un Français sur six qui, en 2011, a été reconnu porteur d’une affection de longue durée (ALD), autrement dit une affection chronique sévère prise en charge à 100 %, alors que ces affections sont d’incidence croissante et que les prévisions pour 2015 sont qu’un Français sur cinq en sera atteint !

Or aux maladies et affections précédentes s’ajoute la persistance dans le monde d’infections telles que le paludisme et la tuberculose, que nous pensions, lors de la création de l’OMS en 1948, pouvoir totalement juguler grâce aux progrès médicaux.

Et la survenue d’infections virales nouvelles, telles que le SIDA ou encore l’épidémie d’Ebola, sont là pour nous rappeler que le viol perpétré à l’encontre de la nature se paye humainement, que les progrès de la médecine ont leurs propres limites, et que la prévention demeure l’unique moyen d’éviter de tels fléaux.

L’Appel de Paris célèbre le 14 novembre à l’UNESCO (2) ses dix ans d’existence sous la forme d’un colloque international organisé par l’ARTAC, l’Association pour la Recherche Thérapeutique Anti-Cancéreuse. Cet Appel, signé en 2004 par de très nombreuses personnalités scientifiques, l’ensemble des Conseils de l’Ordre des médecins des vingt-cinq Etats-membres de l’Europe de l’époque, 1.500 ONG et 350.000 citoyens européen, énonçait :

1 – que la plupart des maladies sont causées par la pollution chimique ;
2 – qu’en raison de cette pollution, l’enfance est en danger ;
3 – et que si nous continuons à polluer l’environnement comme nous le faisons, c’est l’espèce humaine elle-même qui se met en danger.

Dix ans se sont écoulés. L’heure est au bilan concernant cet Appel. En positif, une contribution décisive à la mise sur pied du projet de règlement européen REACH (3), qui a instauré des mesures de régulation pour la mise sur le marché des produits chimiques. Certainement en France, la promulgation en 2004 de la Charte de l’Environnement. Sans doute aussi une réorientation des recherches médicales dans le domaine de l’environnement, avec en France le revirement spectaculaire de l’INSERM qui maintenant s’attache à prouver les liens entre cancer et environnement. Enfin une contribution décisive à la prise de conscience par la société civile des dangers de la pollution et la nécessité de protéger la nature et nos enfants.

Mais il y a aussi en négatif : l’absence de politiques cohérentes en matière de santé et d’environnement, avec notamment la non prise en considération de la dimension environnementale dans l’émergence des maladies et affections de notre époque (4) ; l’absence de prévention environnementale qui en résulte ; enfin le déni persistant des pouvoirs politiques face aux preuves scientifiques qui s’accumulent, alors que simultanément les « pollueurs non-payeurs » continuent de polluer sans limite et que les victimes de la pollution sont en réalité les « pollués payeurs ».

 

C’est donc au plan moral et juridique que doit se situer désormais le combat actuel, et il n’est pas anodin que ce quatrième colloque ait lieu dans les locaux de l’UNESCO, dans le pays des droits de l’homme. En vertu de cet Appel, il apparaît en effet que les pollutions, et destructions de la nature les plus graves, parce qu’elles ont pour conséquence la survenue d’une atteinte à la santé, à la vie (faune et flore comprises) et à la survie des générations futures, doivent être considérées comme de véritables crimes et donc sanctionnées pénalement.

Or les contacts que j’ai pu prendre, en particulier auprès de la Cour Pénale Internationale de Justice, me laissent penser qu’une solution est possible, faisant de la pollution et de la destruction de la nature un crime contre la santé de l’humanité, notamment lorsque celui-ci concerne la survie d’un peuple.

En fait, dans sa nécessaire évolution, le droit risquerait de se fourvoyer, si, tenant compte uniquement des concepts et idéologies d’origine sociétale, il en venait à négliger les résultats objectifs de la science.

C’est d’ailleurs ce que soulignait déjà le très grand philosophe que fut Baruch Spinoza, lorsqu’il affirmait dans l’Ethique que toute action humaine en relation avec la Nature doit être comprise avant d’être jugée, et que contrairement à Descartes pour lequel tout jugement ne peut être que de l’ordre de la raison, celui-ci pour Spinoza ne peut être porté qu’en fonction du respect ou de la transgression des lois naturelles. D’où l’impérative nécessité de rapprocher droit et science, juristes et scientifiques, et plus particulièrement concernant la santé, juristes, biologistes et médecins.

C’est finalement sous l’égide de la vérité scientifique, de l’indépendance de la recherche et de la morale qu’aura lieu ce colloque, dans le cadre d’un rassemblement citoyen international réunissant chercheurs, juristes, ONG et politiques.


Notes :

1 – Selon un rapport transmis aux administrateurs de la Caisse nationale d’assurance maladie et cité par Les Echos.

2 – Infos sur Appel de Paris

3 – Registration, Evaluation, Authorization and restriction of Chemicals

4 – D. Belpomme, Comment naissent les maladies et que faire pour les éviter ? Editions Les Liens qui Libèrent, Paris 2015 (à paraître).