Articles du Vendredi : Sélection du 16 mai 2014 !

800 000 ans de hausse du taux de CO2 dans l’air

Audrey Garric
http://ecologie.blog.lemonde.fr/2014/05/09/la-hausse-du-taux-de-co2-dans-lair-depuis-800-000-ans-en-2-minutes/

Stop Alpha Coal : Agir maintenant !

Communiqué commun Amis de la Terre / ATTAC / Bizi !
Bayonne, Montreuil, Paris, le 13 mai 2014

Transition énergétique: attention, le compteur tourne

Valéry Laramée de Tannenberg
www.journaldelenvironnement.net/article/transition-energetique-attention-le-compteur-tourne,45951?xtor=EPR-9

Climat : il faut se faire une raison, tout est foutu !

Hélène Crié-Wiesner
http://blogs.rue89.nouvelobs.com/americanmiroir/2014/05/15/climat-il-faut-se-faire-une-raison-tout-est-foutu-232896

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800 000 ans de hausse du taux de CO2 dans l’air

Audrey Garric
http://ecologie.blog.lemonde.fr/2014/05/09/la-hausse-du-taux-de-co2-dans-lair-depuis-800-000-ans-en-2-minutes/

On l’a dit : le cap symbolique des 400 parties par million (ppm) de dioxyde de carbone (CO2) atmosphérique a été atteint le 9 mai 2013. Une concentration record depuis plusieurs millions d’années. Mais un autre seuil a été franchi, cette fois en avril 2014 : pour la première fois, la concentration de CO2 a dépassé ce niveau un mois entier durant, selon les données de la station de Mauna Loa (Hawaï), qui appartient à l’agence américaine responsable de l’étude de l’océan et de l’atmosphère (NOAA). Un niveau sans précédent, comme le montre une animation réalisée par l’Institut coopératif de recherche en sciences de l’environnement, l’un des centres de la NOAA.

Ce que montre cette vidéo, c’est qu’au cours des 2 000 dernières années, la concentration de CO2 atmosphérique, principal gaz à effet de serre, est restée à peu près stable autour de 280 ppm. Mais à partir de la révolution industrielle, elle n’a cessé d’augmenter (à la fois dans l’hémisphère Nord, en rouge, et l’hémisphère Sud, en bleu), grimpant à 315 ppm en 1960, 350 ppm en 1989 – le seuil de CO2 atmosphérique à ne pas dépasser selon le climatologue James Hansen, ancien directeur du Goddard Institute for Space Studies de la NASA – pour atteindre 400 ppm en 2013.

Notons également que depuis 800 000 ans, l’alternance entre périodes glaciaires et périodes interglaciaires se traduit par une oscillation de la concentration en CO2 entre 180 ppm et 270 ppm environ, soit une variation de 90 ppm – des chiffres obtenus par l’analyse de l’air piégé dans les carottes de glace, ainsi que des mesures isotopiques des sédiments marins.

“Lors des périodes glaciaires, les océans absorbent plus de CO2, qui se dissout plus facilement dans l’eau froide. En cas de réchauffement du climat et de sortie d’une glaciation, sous l’effet de causes astronomiques (comme les variations de l’orbite terrestre), les océans relarguent davantage de CO2, explique Jean-Pascal van Ypersele, professeur à l’université catholique de Louvain et vice-président du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Dans les âges géologiques, la concentration de CO2 a donc suivi la température, tout en venant également l’amplifier en raison de l’effet de serre.”

La différence entre la période actuelle et la période préindustrielle est, elle, de 120 ppm. “C’est énorme et cela va entraîner des changements considérables sur la planète, d’autant que cette valeur va encore augmenter”, précise le climatologue. Ainsi, le scénario le plus pessimiste (business as usual) du dernier rapport du GIEC table sur une concentration en CO2 d’environ 900 ppm en 2100. Elle se traduirait, selon les experts du climat, par une augmentation de la température terrestre de 4,8 °C pour la période 2081-2100 par rapport à la moyenne de 1986-2005, une élévation du niveau des mers de presque un mètre, une multiplication des événements climatiques extrêmes (tels que les sécheresses, pluies diluviennes et ouragans plus intenses) ainsi qu’une insécurité alimentaire exacerbée.

Stop Alpha Coal : Agir maintenant !

Communiqué commun Amis de la Terre / ATTAC / Bizi !
Bayonne, Montreuil, Paris, le 13 mai 2014

Les mobilisations pour demander à la Société Générale de se retirer du projet d’extraction et d’exportation de charbon Alpha Coal en Australie (1), se multiplient. Les Amis de la Terre et Attac, rejoints par Bizi ! s’en félicitent et renouvellent leur appel à actions pour la semaine précédant l’Assemblée générale de la banque le 20 mai prochain. Des actions sont prévues dans toute la France avec une seule demande : le retrait public et immédiat de la banque du projet qui menace la Grande Barrière de corail et l’économie locale. A défaut, Bizi ! déversera 1,8 tonnes de charbon devant le siège régional de la Société Générale entre le 21 mai et le 5 juin, journée mondiale de l’environnement (2).

 

La Société Générale fait l’objet depuis octobre dernier d’une campagne de mobilisation et de plaidoyer contre un des projets dont elle structure le financement, le projet Alpha Coal en Australie. Combattu par les Amis de la Terre qui ciblent les investissements climaticides des banques, le projet s’est par la suite attiré les foudres d’Attac qui a fait de la Société Générale un des « Requins » (3). Et la contestation contre l’irresponsabilité de la banque grandit avec l’association basque Bizi !, connue pour ses actions radicales mais non violentes.

 

« Malgré les alertes répétées des Amis de la Terre et d’Attac sur les risques environnementaux et sociaux que représentent Alpha Coal, la Société Générale refuse de se retirer du projet et assène la société civile d’une réponse affligeante : la banque ne soutiendra le projet que s’il respecte ses politiques RSE ainsi que les décisions des autorités australiennes. Or, celles-ci sont déterminées à exporter leur charbon à tout prix » explique Lucie Pinson, chargée de campagne Finance privée aux Amis de la Terre. La volonté du gouvernement australien met la banque en totale contradiction avec ses propres exigences RSE, le projet Alpha Coal ne les respectant pas.

 

« Comme de nombreuses multinationales, la Société Générale exploite les peuples et leurs ressources. Alpha Coal est symptomatique d’une finance déconnectée des véritables besoins de la planète et des populations. Le projet doublerait le prix de l’électricité en Inde, où le charbon doit être exporté (5), pour être rentable. Il porterait par ailleurs un coup fatal à la Grande Barrière de corail, un des plus riches écosystèmes de la planète et qui soutient 60 000 emplois locaux (6). La campagne de communication et d’action citoyenne « les Requins 2014 » dénonce cette prédation. Nous avons l’intention de maintenir la pression sur Société Générale jusqu’à avoir obtenu satisfaction » rajoute Dominique Plihon, porte-parole d’Attac.

 

La même détermination porte Bizi ! qui a récemment décidé d’apporter sa contribution à la mobilisation. « Plus de deux tiers des réserves fossiles doivent rester dans le sol pour rester sous la limite des 2 degrés, et l’urgence climatique est telle qu’il faut immédiatement stopper la production des énergies fossiles les plus émettrices comme le charbon. Malgré ces injonctions scientifiques, et alors que le GIEC vient de préconiser une baisse des investissements dans les énergies fossiles de 30 milliards de dollars par an (7), la Société Générale tente d’en réunir 11 milliards pour ce seul projet d’Alpha Coal (8) ! C’est un déni de réalité et si seule la pression de la société civile peut stopper les projets irresponsables de la banque, nous la maintiendrons » déclare Max Rademacher, membre de la coordination de Bizi !

 

Ainsi, après une journée nationale d’actions tenues dans une cinquantaine de villes le 15 mars dernier, les groupes locaux d’Attac et des Amis de la Terre, rejoints par Bizi ! à Bayonne, se mobiliseront de nouveau à compter du 15 mai dans toute la France, avec comme objectif de faire monter la pression sur  la Société Générale jusqu’à son Assemblée Générale à Paris le 20 mai.

 

Présents et accompagnés notamment d’un professionnel du tourisme et consultant sur les récifs au sein de la Direction du parc marin de la Grande Barrière de corail (9), les Amis de la Terre demanderont une fois de plus à la banque de mettre un terme à ses soutiens au secteur du charbon, à commencer par se retirer immédiatement du projet Alpha Coal. Passé cette date, Bizi ! s’est engagé à déverser jusqu’au 5 juin 1,8 tonne de charbon devant le siège régional de la Société Générale à Bayonne,  pour une action  « retour à l’envoyeur » symbolisant les 1,8 milliard de tonnes de CO2 que ce projet va rejeter dans l’atmosphère (10).

 

(1)    Premier communiqué de presse  des Amis de la Terre sur la mobilisation contre Alpha Coal, 24 octobre 2013, http://www.amisdelaterre.org/Societe-Generale-Mobilisation.html

(2)    Bizi !, site : https://bizimugi.eu/fr/blog/2014/05/08/deja-plus-de-1300euros-alphacoal/

(3)    Les requins, site : http://www.lesrequins.org/les-requins-2014/article/societe-generale-developpons

(4)    Amis  de la Terre, Le projet Alpha Coal et les Principes Généraux environnementaux et sociaux de la Société Générale, étude comparative, avril 2014, http://www.amisdelaterre.org/spip.php?page=login&url=Alpha-Alpha-Coal-un-projet-loin.html

(5)    IEEFA, Indian power prices, Briefing note, May 6 2014, http://www.ieefa.org/press-release-the-beginning-of-the-end-of-imported-coal-in-india-report-exposes-economic-flaws/

(6)    Queensland Government, Minister Media Statement: http://statements.qld.gov.au/Statement/Id/78896

(7)    GIEEC, 3ème volet du 5ème rapport sur l’atténuation des changements climatiques : http://report.mitigation2014.org/spm/ipcc_wg3_ar5_summary-for-policymakers_approved.pdf

(8)    http://www.bloomberg.com/news/2013-08-14/gvk-says-australian-alpha-coal-mine-order-book-oversubscribed.html

(9)    Anthony  Brayton Brown , Président de l’association de l’industrie des bateaux d’affrètement de Whitsunday, et qui siège dans de nombreux comités en charge de la Grande Barrière de corail, ainsi que Julien Vincent de l’ONG Market Forces, seront en France du 13 au 20 mai.

(10)                      Bizi ! a lancé un appel au financement participatif. Soutenez l’action de Bizi ! sur https://bizimugi.eu/stop-alpha-coal/fr/

Transition énergétique: attention, le compteur tourne

Valéry Laramée de Tannenberg
www.journaldelenvironnement.net/article/transition-energetique-attention-le-compteur-tourne,45951?xtor=EPR-9

Nous pouvons encore satisfaire aux besoins énergétiques de nos descendants sans obérer notre futur climatique. Les technologies existent. Ne reste qu’à faire preuve de courage politique.

La transition énergétique, c’est un peu comme les avocats américains. Dès que l’entretien commence, le compteur à dollars s’emballe. Dit autrement, plus nous attendons avant de changer de système énergétique, plus l’addition sera élevée. Telle est la principale conclusion du rapport que l’Agence internationale de l’énergie (AIE) a présenté, ce lundi 12 mai, lors de la conférence des ministres de l’énergie à Séoul.

Les données du problème ne sont pas nouvelles. Si nous poursuivons notre développement au rythme actuel[1], en l’alimentant avec les sources d’énergie les plus fréquemment consommées aujourd’hui, l’avenir s’annonce des plus hot. Les projections climatiques les plus pessimistes font état d’une possible hausse du mercure de 6°C entre l’ère pré-industrielle et 2100: près de 8 fois le réchauffement observé au cours du dernier siècle et demi.

 

La consommation d’énergie bondira de 70%

Les moteurs de cet emballement sont connus. D’ici à 2050, la population mondiale va augmenter d’un bon tiers (nous serons alors 9,5 milliards d’individus). Et ses besoins, tant pour se nourrir, boire, se chauffer, se transporter, s’habiller vont croître considérablement. Dans le pire des cas, souligne l’étude, la consommation d’énergie bondira de 70% entre 2011 et 2050. Dans le même temps, les rejets carbonés anthropiques (sans compter les émissions des autres gaz à effet de serre) grimperont de 60%. Voilà résumé le scénario 6DS (pour 6 degrés) des Perspectives des technologies de l’énergie 2014.

Mais l’avenir n’est pas encore (totalement) écrit. Et les experts de l’institution parisienne présentent aussi, dans le scénario 2DS, les moyens de contenir le réchauffement à 2°C: l’objectif officiellement poursuivi par la communauté internationale depuis le sommet climatique de Copenhague. Un objectif qui reste encore à notre portée.

Les amateurs de science-fiction en seront pour leurs frais. Toutes les technologies, toutes les techniques proposées par les rédacteurs existent et sont connues des lecteurs du JDLE.

Sans surprise, les experts annoncent une multiplication des usages de l’électricité, à commencer par les transports. Mais aussi pour le chauffage, avec la banalisation des pompes à chaleur, pour chauffer ou rafraîchir les logements.

 

Décarboner la production d’électricité

Le premier des défis est donc de décarboner notre production d’électricité. Trois moyens, pas nouveaux non plus, permettent de conjuguer accroissement du nombre de térawattheures et chasse au carbone: efficacité énergétique, énergies renouvelables et captage-stockage géologique du gaz carbonique (CSC).

Mobiliser tous les potentiels d’économie d’énergie permettrait de satisfaire nos besoins et ceux de nos descendants en réduisant considérablement consommation et rejets carbonés. «En appliquant les actions radicales en matière d’efficacité énergétique, préconisées par le scénario 2DS, nous pouvons satisfaire aux besoins de 9,5 milliards d’habitants en augmentant de 25% nos consommations et en réduisant nos émissions de plus de 50%», indique l’étude.

 

 

 

 

 

 

Plus de 60% d’électricité verte

Chère, le CSC reste néanmoins le seul moyen de décarboner les effluents des centrales thermiques à flammes. Energivore, le captage fait perdre plusieurs points de rendements aux installations qui en sont dotées. Toutefois, les chaudières ultrasupercritiques affichent aujourd’hui des rendements tels que, même équipées d’un CSC, leurs performances restent supérieures à celles des centrales régulièrement installées en Chine ou en Inde (33% de rendement).

L’avenir semble taillé pour les énergies renouvelables (ENR). Dès 2050, estime l’AIE, photovoltaïque, solaire thermodynamique et éolien pourraient produire les deux tiers des électrons de la planète, contre 20% en 2011.

Conjuguées avec des réseaux intelligents, des systèmes de stockage et des centrales à gaz pour gérer l’intermittence, ces technologies pourraient abaisser de 90% les émissions du secteur électrique mondial en une quarantaine d’années.

 

44.000 milliards de dollars d’investissements…

Evidemment, cela n’est pas gratuit. L’AIE estime à 44.000 milliards de dollars (32.000 milliards d’euros) le montant des investissements pour décarboner le secteur électrique mondial d’ici 2050. Les observateurs noteront que dans la précédente édition du même rapport, le devis de l’AIE tournait plutôt autour de 36.000 Md$ (26.000 Md€). Les raisons de l’inflation sont multiples. Sous l’effet de la hausse des prix des matières premières, le coût des systèmes énergétiques a progressé ces dernières années. L’AIE rappelle aussi que moins nous disposons de temps (selon les climatologues, les émissions doivent commencer à baisser d’ici 2020 pour espérer atteindre l’objectif des 2°C) plus les investissements devront être réalisés rapidement et plus ils seront chers.

 

… 115.000 milliards d’économies

A quelques heures d’une réunion cruciale à l’Elysée, au cours de laquelle le gouvernement doit fixer l’ambition du futur projet de loi sur la transition énergétique, l’AIE rappelle deux éléments essentiels. D’abord, il est impossible d’orienter durablement les investissements privés vers les énergies propres ou l’efficacité énergétique sans une taxation lourde des émissions de GES, de l’ordre de 100 $/t CO2 (73 €/t). C’est le durcissement de la fiscalité du carbone, seulement, qui renchérira suffisamment la production d’énergie à partir du pétrole, du charbon et du gaz pour attirer vers les énergies vertes le secteur privé; lequel sera le seul ou presque à pouvoir financer la rénovation du secteur énergétique, des villes et des infrastructures.

Ensuite, la transition ne représente pas seulement un coût, mais aussi des rentrées fiscales, on l’a vu, et des économies considérables. La mise en œuvre du scénario 2DS pourrait réduire de 115.000 Md$ (84.000 Md€), en 40 ans, le montant de la facture pétrolière, charbonnière et gazière des pays développés et émergents. Réduire le montant de la facture, mais aussi accroître leur indépendance énergétique. Ce qui, en cette période de réveil de l’ours russe, n’est pas un argument à écarter.

 


[1] Avec un PIB mondial dont la croissance annuelle se situe entre 3% et 4%.

Climat : il faut se faire une raison, tout est foutu !

Hélène Crié-Wiesner
http://blogs.rue89.nouvelobs.com/americanmiroir/2014/05/15/climat-il-faut-se-faire-une-raison-tout-est-foutu-232896

Un dossier hors-norme a fait son chemin jusqu’à la cour d’appel de Washington DC, qui doit l’examiner en ce mois de mai 2014. Des milliers de jeunes Américains, soutenus par des experts du droit constitutionnel et de l’environnement, ont porté plainte en 2011 contre plusieurs agences et ministères américains. Ils reprochent au gouvernement de condamner leur avenir en ne mettant pas en place une stratégie pour éviter le scénario catastrophe d’une augmentation de 2 degrés de la température à la fin du siècle.

 

Le mois dernier, le New York Times Magazine tirait sur huit pages le portrait d’un Anglais, Paul Kingsnorth, célèbre dans la mouvance des activistes et penseurs écologistes anglophones :

« C’est la fin du monde tel que nous le connaissons, et ça lui convient. Après des décennies de fervent militantisme environnemental, Paul Kingsnorth a décidé qu’il était trop tard – l’effondrement est inévitable. »

Sur le coup, je me suis gratté la tête, essayant de comprendre pourquoi le NYT choisissait de présenter la volte-face politique de Kingsnorth précisément maintenant, alors que celui-ci avait lancé son pavé dans la mare… il y a plus de deux ans.

Parce que, franchement, pour qui suit l’intense actualité intellectuelle du monde écolo-alter-mondialiste – genre Notre-Dame-des-Landes à l’échelle occidentale – les états d’âme du beau Paul appartiennent presque au passé.

Reste-t-il encore de l’espoir ?

Et puis les scientifiques de l’administration Obama ont publié leur National Climate Assessment, un rapport très alarmiste sur les perturbations climatiques en cours et à venir aux Etats-Unis. Voici comment le site environnementaliste Grist a présenté le 6 mai le-dit rapport :

« Le changement climatique est déjà en train de vous affecter, maintenant. Oui, vous. […]

[Selon le rapport] les étés sont plus longs et plus chauds, et les périodes de fortes chaleurs inhabituelles durent plus longtemps qu’aucun Américain n’en a jamais fait l’expérience. Les hivers sont généralement plus courts et plus chauds. La pluie arrive dans des trombes plus torrentielles qu’avant.

Les gens constatent tous que les allergies saisonnières durent plus longtemps et sont plus sévères, que les variétés de plantes se modifient dans leurs jardins, ainsi que les espèces d’oiseaux qui fréquentent leurs quartiers. »

En publiant ce portait de Paul Kingsnorth, le New York Times voulait-il atténuer le choc du National Climate Assessment à venir ? Le débat en tout cas est ouvertement posé aux Etats-Unis : reste-t-il oui ou non encore quelque espoir de limiter l’ampleur des cataclysmes météo qui ont commencé à frapper ?

  • Non : des militants écolos historiques baissent les bras ;
  • oui : Obama et les siens veulent y croire, et préparent l’opinion à des nouvelles mesures.

L’inefficacité du combat écolo classique

D’autres auteurs que Kingsnorth, et pas des moindres, tels les Américaines Naomi Klein, Naomi Oreskes, ou le Français Hervé Kempf, partant du même constat de l’inefficacité du combat environnemental classique, ont depuis proposé d’autres pistes autrement constructives pour vivre la mutation en cours.

Reste qu’en y réfléchissant, le point de vue de Paul Kingsnorth gagne à être connu du grand public, du moins des gens intéressés par le devenir de la planète, des hommes et de « la civilisation ». Pourquoi ?

Parce que le Président américain vient de lever le menton d’un air décidé, et d’affirmer que, même si les Républicains sabotent le travail législatif qui aurait permis de limiter durablement les émissions de gaz à effet de serre de leur pays, lui, Obama, va agir par décret pour diminuer ce qui peut l’être.

Parce que, au moins aux Etats-Unis, qui s’engagent dans un nouveau round d’élections cruciales, le débat politique va rebondir sur la question écologique. Donc, oui, l’évolution paradoxale de Kingsnorth doit être examinée.

« On va sauver le monde ? Je n’y crois plus »

Inspiré de l’article-fleuve du NYT, des propres écrits de l’intéressé et d’une interview approfondie paru sur le site du Thoreau Farm Trust, voici le résumé d’un cheminement idéologique.

Militant, animateur de luttes, journaliste-écrivain des mutations socialo-écologiques, Kingsnorth a aujourd’hui 40 ans. En 2009, il co-fonde le Dark Mountain Project, sorte de groupe artistique, littéraire et politique qui organise l’été des festivals un peu ésotériques.

Le Project, dit Kingsnorth au NYT, tourne autour du deuil, de la peine et du désespoir.

« Nous vivons dans “l’âge de l’écocide” et, comme une veuve longtemps frappée de stupeur, nous réalisons peu à peu la magnitude de notre perte. Nous avons le devoir d’y faire face. »

Constatant que l’issue climatique était inéluctable, il a progressivement perdu la foi dans le combat.

« Tout est devenu pire. Vous regardez toutes les tendances que les environnementalistes comme moi avons essayé d’infléchir depuis 50 ans, et absolument tout a empiré. Je me suis dit que je ne pouvais plus haranguer les gens en disant : “Oui, camarades, on doit agir. On doit juste donner un coup de collier, et on va sauver le monde.” Je n’y crois plus. »

Il a écrit le « Manifesto » du Dark Mountain Project, intitulé « Uncivilization », et l’acuité de ses constats lui a valu un large écho admiratif. Mais il a aussi soulevé la fureur de quelques compagnons de lutte : Paul est qualifié de traître, de jeteur de sort, de nihiliste, et de « collapsitarian » (de « collapse », effondrement).

Car Kingsnorth est passé dans le camp de « l’après » : puisque le monde d’avant est foutu, que c’est trop tard, autant chercher à vivre avec ce qui reste. Ce que d’aucun qualifient d’adaptation (voir les projets d’Obama pour l’avenir énergétique écolo de l’Amérique). Mais il y a bien des façons de s’adapter. La sienne est plus du genre retour aux sources et sobriété naturaliste que technophile.

Les groupes écolos vendent de faux espoirs

En 2012, il publie une série d’essais dans le magazine Orion, « Confession d’un environnementaliste repenti », où il fustige notamment les délires fracassants du « néo-environnementalisme » :

« Cette idée que la civilisation, la nature et les hommes peuvent être sauvés en embrassant les biotechnologies, la biologie synthétique, l’énergie nucléaire, ou la géo-ingénierie… »

Il n’est pas opposé à l’action politique, assure-t-il, même si visiblement il n’y croit plus. Cependant une bonne partie de ses écrits récents fustige la manière dont les groupes d’action écologistes donnent de faux espoirs aux jeunes qui les rejoignent.

Il cite un des mouvements les plus actifs, 350.org, dont le fondateur Bill McKibben est une sorte de guerrier moderne brutalement lucide, peu porté sur les compromis et les ronds de jambe politiques, dont j’avais reproduit ici l’immense coup de gueule en 2010.

« Le 350.org de McKibben, par exemple, peut impliquer des gens, mais il n’a aucune chance d’arrêter les changements climatiques. J’aimerais qu’il soit plus honnête, parce que ce que fait McKibben, c’est vendre de faux espoirs.

350.org dit : “Si on s’engage dans ces actions, on va atteindre cet objectif.” Mais si tu n’atteins pas l’objectif, et que tu le sais à l’avance, tu mens aux gens. Et ces gens… ils vont finir désespérés. »

Préserver ce qui reste de beau et authentique

Désespérés, je ne sais pas, mais amers, certainement. Ou cyniques. Surtout que l’avenir, tel qu’esquissé par Paul Kingsnorth, ne convient pas forcément à tous les tempéraments : fin de l’action politique destinée à changer le monde, place à la réflexion sur la meilleure façon d’y vivre « honorablement, et avec dignité ».

Dans son coin, quoi ! Comme lui, pour l’instant, qui a choisi de se retirer avec sa famille dans la campagne nord-irlandaise, soucieux de profiter – et, quand même, de défendre – « les petites poches d’authenticité et de beauté qui existent encore ».

D’autres, parmi les auteurs cités plus hauts, prônent des plans différents, nettement plus pro-actifs, voire révolutionnaires.

Paul Kingsnorth a été vertement repris par un de ses vieux copains de militance au moment de la publication de son Manifesto. George Monbiot a asséné que se retirer de l’action politique équivalait à un désaveu presque criminel du devoir moral de chacun :

« Combien d’humains crois-tu que le monde pourra supporter sans les combustibles fossiles ou un investissement équivalent en énergies alternatives ?

Combien d’humains pourront survivre sans la civilisation industrielle ? Deux milliards ? Trois milliards ? Selon ta vision, plusieurs milliards de gens vont périr. Et tu dis qu’il n’y a rien à craindre ! »

Le NYT cite également Naomi Klein, autre figure importante de l’action écolo-politique alternative :

« J’aime beaucoup Paul, mais il devrait admettre plus clairement qu’il laisse tomber. On doit être honnête sur ce qu’on peut faire. On doit bien sûr garder en tête la possibilité de l’échec. Mais on ne doit pas accepter l’échec. Il y a des degrés dans l’échelle des choses qui vont mal, quand même ! »

Etre ou ne pas être écolo

Je profite de ce développement sur Paul Kingsnorth, le militant qui a changé de braquet et qui, j’en suis sûre, représente beaucoup de monde, pour glisser un mot sur deux bouquins français.

L’un est tout frais, il est sorti cette semaine : « Comment j’ai sauvé la planète » (Editions du moment, 2014) de Sophie Caillat, journaliste à Rue89. L’ironie du titre est parfaite : l’auteure n’est pas dupe de ses efforts désespérés pour tenter d’adapter sa vie d’urbaine hédoniste et branchée à son idéal écolo :

« Mon téléphone portable greffé au bout de mon bras, je ne vois pas comment fuir la toxicité de la société contemporaine et me dis que, à mon échelle, je ne peux que colmater les brèches d’un bateau qui de toute façon prend l’eau. J’ai beau “faire ma part”, comme le colibri de la légende, mes petites gouttes d’eau ne changeront pas grand-chose au grand incendie.

Quand je monte dans un avion, j’expérimente douloureusement la “dissonance cognitive” : mon cerveau me dit de ne pas commettre le mal, et par paresse, plaisir ou conformisme social, je cède à la tentation. Comment sortir de cette impasse et trouver la sobriété heureuse ? »

On ne peut pas, Sophie, on ne peut pas ! Pas si on aime la vie que tu aimes. Je l’aime pareil, je comprends tes affres.

Les petits gestes ne suffisent pas

Hervé Kempf prône une solution, qui ne peut convenir qu’aux vrais radicaux, à ceux qui sont capables de s’abstraire des plaisirs superficiels qu’offre encore la vie contemporaine, et pas seulement aux nantis. Sa solution, il la décline depuis des années à longueur de livres.

Le titre de son avant-dernier ouvrage résume l’idée : « Pour sauver la planète, sortez du capitalisme » (Ed. Seuil, 2009). En gros, pour sauver la planète, les petits gestes ne suffisent pas :

« Chacun, chaque groupe, pourrait dans son coin réaliser son bout d’utopie. Il se ferait sans doute plaisir, mais cela ne changerait pas grand-chose au système, puisque sa force découle du fait que les agents adoptent un comportement individualiste. […]

L’enjeu n’est pas de lancer des alternatives. Il est de marginaliser le principe de maximisation du profit en plaçant la logique coopérative au cœur du système économique. »

Le livre suivant de Kempf, paru l’an dernier, enfonce le clou : « Fin de l’Occident, naissance du monde » (Ed. Seuil, 2013). L’Américaine Naomi Oreskes, historienne des sciences, prof à Harvard, publie ce mois-ci « L’effondrement de la civilisation occidentale » (Ed. Les Liens qui libèrent), sur le même thème.

Kempf et Oreskes se sont récemment expliqués dans l’excellente émission 3D, dimanche dernier sur France-Inter. Paul Kingsnorth est enfoncé, largement !

 

American Miroir : Après avoir scruté, dans le blog “American Ecolo”, les débats, innovations et curiosités du domaine de l’environnement, Hélène Crié-Wiesner, journaliste binationale vivant aux Etats-Unis, ausculte les Americains dans leur quotidien : pourquoi sont-ils différents ?