Articles du Vendredi : Sélection du 28 février 2014 !

Au Royaume-Uni, les lois de la nature mettent les climatosceptiques à l’épreuve

Stéphane Foucart
www.lemonde.fr/idees/article/2014/02/21/royaume-uni-loi-de-la-nature_4371416_3232.html

Le climat pèserait pour 16% des coûts des assurances

Rachida Boughriet
www.actu-environnement.com/ae/news/climat-cout-assurances-20722.php4

Le patron d’ExxonMobil dit non au gaz de schiste… près de chez lui

Stéphane Lauer (New York, correspondant)
www.lemonde.fr/planete/article/2014/02/26/le-patron-d-exxon-mobil-contre-le-gaz-de-schiste-pres-de-chez-lui_4373936_3244.html

Nucléaire: aux Etats-Unis, les centrales vont être éternelles

Valéry Laramée de Tannenberg
www.journaldelenvironnement.net/article/nucleaire-aux-etats-unis-les-centrales-vont-etre-eternelles,43259?xtor=EPR-9

Que contient vraiment le nuage de pollution à Pékin ?

Audrey Garric
http://ecologie.blog.lemonde.fr/2014/02/26/que-contient-vraiment-le-nuage-de-pollution-a-pekin/

Ces villes qui expérimentent les services publics gratuits

Anthony Laurent
www.bastamag.net/Ces-villes-qui-experimentent-les – 2012-12-6

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Au Royaume-Uni, les lois de la nature mettent les climatosceptiques à l’épreuve

Stéphane Foucart
www.lemonde.fr/idees/article/2014/02/21/royaume-uni-loi-de-la-nature_4371416_3232.html

Le Royaume-Uni se débat dans des inondations catastrophiques. Rien de tel ne s’est produit dans l’histoire récente : le sud du pays offre au regard d’interminables et insolites paysages lacustres d’où émergent des toitures, des cimes d’arbres… Le petit village de Muchelney, dans le Somerset, naguère un bourg comme il y en a beaucoup, s’est insularisé plus d’un mois durant, ne devenant accessible que par voie d’eau.

L’ampleur du désastre est proportionnelle à la désinvolture du pouvoir en place à Londres à l’égard des questions environnementales. Owen Paterson, le ministre britannique de l’environnement, est ainsi un climatosceptique notoire. Cela ne se réduit pas à quelques déclarations dans les médias : cela se traduit par des faits tangibles. Fin janvier, le quotidien The Guardian a par exemple révélé que, depuis 2012 et l’entrée de M. Paterson au gouvernement Cameron, les investissements annuels consentis par le Royaume-Uni pour adapter ses infrastructures au changement climatique ont été réduits de moitié. Les vulnérabilités du pays sont pourtant connues. Une loi simple de la thermodynamique (on l’apprend en première année de classe préparatoire scientifique), dite loi de Clausius-Clapeyron, dispose qu’une augmentation de 1°C de la température terrestre accroît de 7% environ le potentiel de précipitations. Bien sûr, il est toujours possible d’invoquer la fatalité : des inondations sur les îles Britanniques, il y en a toujours eu.

Variabilité naturelle du climat

Et d’aucuns veulent se convaincre que celles qui frappent aujourd’hui ne sont que le fruit de ce que les scientifiques nomment la « variabilité naturelle du climat ». De fait, aucun événement isolé ne peut être attribué de manière univoque au changement climatique, ce dernier se traduisant par des tendances.

Certes. Mais il faut alors rappeler qu’à l’automne 2000, le su de l’Angleterre et le Pays de Galles étaient déjà frappés par des inondations jamais vues depuis 1766. Qu’au printemps 2007, ce record a de nouveau été battu. Et que la situation actuelle pulvérise de nouveau ce record. Par trois fois en à peine plus d’une décennie, donc, un record vieux de deux cent cinquante ans a été battu. Devant cette réalité il est commode de détourner le regard.

Si les responsables politiques ignorent les sciences qui ne correspondent pas à ce qu’ils attendent du monde, c’est sans doute lié à une conviction intime : celle de pouvoir user des mots pour infléchir le réel. Bien sûr, la parole politique a cette singularité de peser, y compris matériellement, sur les sociétés. Mais elle n’a aucune prise sur les lois de la nature.

Au fond, le problème de M. Paterson est qu’il ne peut pas négocier avec Rudolf Clausius (1822-1888) et Emile Clapeyron (1799-1864). Les deux physiciens sont morts voilà bien longtemps mais la formule qu’ils ont établie est toujours bien vivace. Nous pouvons choisir de l’ignorer, mais il n’y a guère de doute qu’elle viendra, de plus en plus fréquemment, se rappeler à notre souvenir et à celui de M. Paterson.

Le climat pèserait pour 16% des coûts des assurances

Rachida Boughriet
www.actu-environnement.com/ae/news/climat-cout-assurances-20722.php4

Les intempéries et inondations qui continuent de sévir sur les côtes françaises auraient causé “1,5 milliard d’euros de dégâts en sept mois“, a indiqué le 7 février Stéphane Pénet, directeur de la Fédération française des sociétés d’assurances, sur RTL. Le climat “pèse pour 16% du coût de l’assurance“, a-t-il expliqué.

C’est une mauvaise passe mais ce n’est pas un record“, a indiqué M. Pénet en rappelant que les tempêtes de 1999 ont causé “7 à 8 milliards d’euros” de dégâts.

Le climat pourrait devenir le premier poste de dépenses des assurances, a-t-il prévenu : “Si les choses continuent comme elles ont démarré ces vingt dernière années, cela pourrait passer à 30% et 35% et donc devenir le premier poste à terme“.

Stéphane Pénet a rappelé la mise en place, en partenariat avec les assureurs et les pouvoirs publics, d’un observatoire national des risques naturelspour éclairer le politique sur les priorités à mener en matière de prévention“.

Le patron d’ExxonMobil dit non au gaz de schiste… près de chez lui

Stéphane Lauer (New York, correspondant)
www.lemonde.fr/planete/article/2014/02/26/le-patron-d-exxon-mobil-contre-le-gaz-de-schiste-pres-de-chez-lui_4373936_3244.html

C’est l’histoire de l’arroseur arrosé. Celle d’un château d’eau que Rex Tillerson ne veut pas voir aux portes de son ranch, situé à Bartonville, au Texas. Avec une poignée de ses concitoyens, le citoyen américain s’oppose au projet depuis des mois. L’édifice est destiné, en particulier, à alimenter en eau les puits d’extraction de gaz de schiste situés à proximité de cette petite ville prospère proche de Dallas, selon la méthode contestée de la fracturation hydraulique.

La polémique aurait dû rester locale sauf que le propriétaire mécontent, Rex Tillerson, n’est autre que le patron d’ExxonMobil, la plus grosse compagnie pétrolière privée du monde.

UN RANCH ÉVALUÉ À PLUS DE 5 MILLIONS DE DOLLARS

M. Tillerson agit en connaissance de cause dans la mesure où il a investi plus de 31 milliards de dollars (22,5 milliards d’euros) dans l’extraction de gaz de schiste depuis qu’il est à la tête de la compagnie américaine. On imagine le nombre de châteaux d’eau que cela représente. Ceux-ci peuvent pousser comme des champignons chez les autres, mais pas sous les yeux du patron d’Exxon.

Le patron d’Exxon craint, avec un certain nombre de ses concitoyens, que les nuisances du château d’eau fassent perdre de la valeur à son luxueux ranch, évalué à plus de 5 millions de dollars. Outre l’aspect esthétique, c’est surtout le va-et-vient des camions transportant l’eau vers les puits d’extraction, qui inquiètent M. Tillerson. On le comprend : depuis 2007, il s’en est déjà ouvert pas moins de neuf à moins de deux kilomètres de sa propriété. Le dernier en date appartient à XTO Energy, un spécialiste du gaz de schiste racheté par Exxon en 2009, ce qui a permis au groupe de devenir le leader américain dans le domaine.

PLAINTE EN NOM COLLECTIF

Trois autres voisins se sont associés au patron d’Exxon pour déposer une plainte en nom collectif en 2013 arguant que « chacun des propriétaires a choisi Bartonville parce que la ville a adopté des réglementations dont le but est de prévenir des constructions indésirables ne correspondant pas à la nature du voisinage », explique le document révélé le 20 février par le Wall Street Journal.

Fin 2013, M. Tillerson avait rappelé à des membres du conseil municipal que s’il avait investi dans son ranch, c’était après s’être assuré que rien ne pourrait perturber son environnement bucolique. Ce scénario digne d’une série télé tombe assez mal, au moment où Exxon s’est lancé dans une campagne pour convaincre que l’extraction du gaz de schiste ne pouvait avoir que des retombées positives pour les communautés locales.

« JE SOUTIENS REX »

Le groupe a pu jusqu’à présent être relativement convaincant au Texas où la densité de population est assez faible, mais se heurte à beaucoup plus de réticences en Pennsylvanie ou dans l’Etat de New York, dont les sous-sols sont également riches en gaz de schiste. Quant aux défenseurs de l’environnement, ils se sont, bien entendu, engouffrés dans la brèche ouverte par cette dispute de voisinage.

Josh Fox, le réalisateur de Gasland, un documentaire violemment anti-gaz de schiste a même pris la tête d’une touchante campagne de solidarité sur Twitter pour soutenir son nouvel ami d’Exxon sous le mot clé : #ImwithRex (Je soutiens Rex).

M. Fox s’était lancé dans ce combat après qu’un groupe pétrolier lui a proposé de forer au fond de son jardin contre la somme de 100 000 dollars. Il en faudrait sans doute beaucoup plus pour convaincre M. Tillerson, dont la rémunération a atteint 40 millions de dollars en 2012, de finir par accepter le château d’eau.

Nucléaire: aux Etats-Unis, les centrales vont être éternelles

Valéry Laramée de Tannenberg
www.journaldelenvironnement.net/article/nucleaire-aux-etats-unis-les-centrales-vont-etre-eternelles,43259?xtor=EPR-9

Le gendarme du nucléaire américain se prépare à autoriser l’exploitation des centrales nucléaires pour une période supérieure à 60 ans. Une première mondiale qui ne sera pas gratuite pour les exploitants.

Les Français ne sont pas en avance. Alors qu’EDF et l’Autorité de sureté nucléaire (ASN) se crêpent le chignon sur le passage à 40 ans de la durée de vie des réacteurs tricolores, les parties prenantes du nucléaire américain ont une vision à bien plus long terme. Dans un document récemment mis en ligne, la Nuclear Regulatory Commission (NRC, le gendarme du nucléaire US) s’interroge sur les possibilités d’exploiter des centrales plus de 60 années.

73 réacteurs déjà certifiés pour 60 ans

Adoptée en 1954, la législation américaine fixe à 40 ans la durée de vie des centrales nucléaires. Soit le temps nécessaire à leur amortissement. Si les conditions, initiales, de sûreté sont toujours réunies au bout de ce laps de temps, le régulateur peut filer un rab de 20 années supplémentaires. Ce dont il ne s’est pas privé. Sur les 104 tranches en service[1] outre-Atlantique, 73 ont déjà vu leur certification allongée de deux décennies. Et les experts de la NRC planchent sur 18 autres dossiers.

Début des examens: 2017

Détail: la loi américaine autorise le renouvellement de 20 ans autant de fois que possible. Et cela tombe à pic. Car dès la fin de l’année, une vingtaine de réacteurs entreront dans la cinquantaine. Il sera alors temps de s’interroger sur la possibilité technique de les prolonger au-delà des 60 ans. Les premières demandes de renouvellement pourraient d’ailleurs tomber dès 2017, estime la NRC.

Un investissement lourd

Ce passage pourrait toutefois s’avérer plus coûteux que le franchissement des étapes précédentes. D’une part, parce que, cette fois, il faudra probablement changer ou mettre à niveau des équipements lourds, tels les générateurs de vapeur ou le système de contrôle commande. D’autre part, parce que la NRC pourrait imposer aux exploitants des travaux de renforcement de leurs installations, comparables au noyau dur français. Le montant de l’addition (et de l’augmentation du coût de production du kilowattheure) s’annonce élevé.

Recherches en cours

En 2012, le département américain à l’énergie (DOE) avait lancé un programme de recherche sur les conséquences techniques entrainées par un allongement supplémentaire de la durée de vie des réacteurs à eau légère. Ses réponses sont désormais attendues avec impatience, tant par les électriciens que par le régulateur.

40 ans, ce sera cher aussi en France

Dans un rapport commandé par Greenpeace France, Wise estime les coûts du passage à 40 ans du parc électronucléaire français. En prenant plusieurs scénarios, le bureau d’études estime que, selon les niveaux de sûreté qui seront finalement imposés à EDF par l’ASN, le montant des devis devrait osciller entre 0,8 et 4,5 milliards d’euros par réacteur (il y en a 58). On est loin des 400 millions par tranche, calculés par EDF en 2008. Mais on reste très en deçà du coût d’un EPR: 8 Md€ pièce.

[1] Lesquels fournissent 20% de l’électricité américaine.

Que contient vraiment le nuage de pollution à Pékin ?

Audrey Garric
http://ecologie.blog.lemonde.fr/2014/02/26/que-contient-vraiment-le-nuage-de-pollution-a-pekin/

L’Airpocalypse se poursuit en Chine : depuis une semaine, le nord du pays suffoque de nouveau sous une épaisse pollution atmosphérique. A tel point que les plus importants distributeurs de masques respiratoires filtrants étaient en rupture de stock mercredi 26 février.

La densité de particules PM 2,5 (de 2,5 micromètres de diamètre, les plus dangereuses) a atteint mercredi matin à Pékin, en alerte, un seuil de 557 microgrammes par mètre cube, selon l’ambassade américaine. Dans la province environnante du Hebei, connue pour ses industries lourdes très polluantes, la ville de Xinji a, elle, enregistré 761 microgrammes. Des niveaux considérables alors que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande un plafond maximum de 25 μg/m3, tandis que les autorités chinoises estiment qu’au-dessus de 300, il est “dangereux” de rester dehors. Pour ordre de grandeur, lors de l’épisode de forte pollution qui a touché l’Ile-de-France en décembre dernier, le seuil d’alerte avait été atteint, marquant une concentration de PM10 supérieure à 80 μg/m3.

Les conséquences pour la santé se font d’ores et déjà sentir : la pollution de l’air extérieur a provoqué 1,2 million de morts prématurées en Chine en 2010, soit presque 40 % du total mondial des morts prématurées dues à la pollution, selon une vaste étude sur la “charge mondiale des maladies” publiée en décembre 2012 dans l’hebdomadaire médical britannique The Lancet. Mais au fait, qu’y a-t-il exactement dans l’air chinois pollué ?

Des particules fines. Si elles sont présentes naturellement dans l’environnement, ces particules en suspension dans l’air voient leur concentration considérablement augmenter sous l’effet des activités humaines, essentiellement l’industrie, la combustion du charbon et la circulation automobile – les trois principales sources de pollution en Chine. Deux catégories de particules sont particulièrement encadrées par les normes de qualité de l’air : les PM10 (« particulate matter » en anglais), de diamètre inférieur à 10 micromètres et les PM2,5, qui mesurent 2,5 microns et peuvent donc facilement pénétrer dans les voies respiratoires. La liste des maux qu’elles provoquent est longue : bronchite chronique, asthme, cancer du poumon, accident vasculaire cérébral, infarctus du myocarde ou encore problèmes placentaires.

Fin janvier, une équipe de chercheurs s’est penchée sur la composition de ces PM10 et PM2,5, lors d’un épisode de pollution particulièrement fort à Pékin. Résultat : ils ont recensé 1300 espèces microbiennes différentes, comme le relate l’étude publiée dans Environmental Science and Technology. Si, de manière quelque peu rassurante, la plupart de ces micro-organismes sont bénins (comme les Geodermatophilus obscurus, une bactérie commune du sol), quelques-uns sont toutefois responsables d’allergies et de maladies respiratoires chez les hommes. Les scientifiques ont ainsi trouvé des pneumocoques – bactéries qui se logent dans les voies respiratoires et peuvent provoquer des infections graves comme des méningites ou pneumonies – des Aspergillus fumigatus – champignons responsables d’infections sévères – et une série d’autres bactéries que l’on trouve généralement dans les matières fécales.

Plus inquiétant encore, la proportion de ces agents pathogènes a augmenté, au cours de l’épisode de pollution, avec la hausse des concentrations de PM10 et 2,5. Reste à connaître leur persistance dans l’air et s’ils ont effectivement entraîné davantage de maladies. Les chercheurs suggèrent ainsi de mener des études cliniques auprès des patients atteints d’infections des voies respiratoires afin de déterminer si elles ont été provoquées par les mêmes microbes.

Du monoxyde de carbone. Difficilement décelable dans la mesure où c’est un gaz incolore, inodore et sans saveur, il est produit par la combustion incomplète de matières organiques (gaz, charbon, fioul, carburants, bois). Principales sources de monoxyde de carbone (CO) : le trafic automobile, les centrales à charbon et le mauvais fonctionnement des appareils de chauffage domestiques. Le CO est principalement un poison sanguin. Il se fixe à la place de l’oxygène sur l’hémoglobine du sang conduisant à un manque d’oxygénation du système nerveux, du cœur et des vaisseaux sanguins. Conséquences : maux de tête, nausées, vomissements, vertiges, jusqu’à la mort en cas d’intoxication grave.

Du dioxyde de soufre. Ce gaz incolore, dense et toxique provient principalement de la combustion de certains charbons, pétroles ou fiouls, au cours de laquelle les impuretés soufrées contenues dans les combustibles sont oxydées par le dioxygène de l’air (O2), pour donner du dioxyde de soufre (SO2). En raison de sa combustion massive de charbon et de ses industries polluantes, la Chine est l’un des principaux émetteurs de SO2 dans le monde – même si elle a entrepris de réduire ses émissions. Son inhalation est fortement irritante : elle peut entraîner une obstruction des bronches, une diminution du débit respiratoire, ainsi que des irritations et des inflammations, en particulier gastriques. Une intoxication grave au SO2 peut entraîner des décès par cause cardio-vasculaire.

Des oxydes d’azote. Les oxydes d’azote (NOx), notamment le monoxyde d’azote (NO) et le dioxyde d’azote (NO2), se forment lors des combustions à haute température. Près de Pékin, ils sont massivement émis par les voitures, les centrales à charbon, les installations de chauffage ou encore les industries lourdes. Ils peuvent altérer la respiration et provoquer des bronchites, particulièrement chez les asthmatiques et les enfants. Ils participent également aux phénomènes des pluies acides, de même que le dioxyde de soufre.

De l’ozone. L’ozone (O3) constitue le principal polluant du “smog” qui enveloppe Pékin. Présent naturellement dans la stratosphère (la couche d’ozone intercepte les rayons ultraviolets du Soleil), il s’avère dangereux en excès dans les basses couches de l’atmosphère (la troposphère). C’est alors un polluant dit “secondaire” dans la mesure où il n’est pas rejeté directement dans l’air mais se forme par réaction chimique entre des gaz “primaires” d’origine automobile et industrielle (NOx, CO et composés organiques volatils COV), sous l’effet des rayonnements solaires. Capable de pénétrer profondément dans les poumons, il provoque à forte concentration des inflammations des bronches, gênes respiratoires et irritations oculaires.

Ces villes qui expérimentent les services publics gratuits

Anthony Laurent
www.bastamag.net/Ces-villes-qui-experimentent-les – 2012-12-6

Les expériences de gratuité se multiplient dans les services publics locaux. Transports en commun totalement gratuits à Aubagne ou Châteauroux, premiers litres d’eau gratuits dans des communes de l’Essonne ou des Bouches-du Rhône… A qui profite cette gratuité ? Comment est-elle financée ? Implique-t-elle une baisse de la qualité du service ? Incarne-t-elle une alternative face au dogme de la « consommation marchande » ? Réponses par les faits.

Monter dans un bus sans composter un ticket, et sans risquer de passer pour fraudeur, tel est le quotidien des Aubagnais. Depuis trois ans, l’agglomération du Pays d’Aubagne – 104 000 habitants – en périphérie de Marseille, a fait le choix de la gratuité totale dans les transports en commun.

Cette gratuité était auparavant réservée aux demandeurs d’emplois, aux allocataires du RMI et aux personnes âgées et handicapées. S’inspirant de l’esprit du « droit au transport pour tous » énoncé par la loi d’orientation des transports intérieurs votés par la gauche en 1982, le maire communiste d’Aubagne, Daniel Fontaine, et son équipe proposent cette mesure à leurs administrés lors des élections municipales de 2008.

Réélue, la municipalité entame alors un bras de fer avec la société des Autobus Aubagnais, propriété du groupe Veolia, qui exploite le réseau depuis 2007 dans le cadre d’une délégation de service public. Pour que Veolia accepte de mettre en œuvre la gratuité, les élus demandent à l’entreprise de revoir les objectifs de fréquentation à la hausse. Et les objectifs sont largement dépassés : durant les six premiers mois de gratuité, la fréquentation fait un bon de 70%. Entre 2008 et fin 2011, le nombre d’usagers progresse de 146% ! Bien au-dessus des objectifs initiaux, fixés dans le cadre de la délégation de service public avec des transports payants (+2% par an). Une enquête réalisée en mars 2010 par l’agglomération aubagnaise [1] montre que la gratuité, en plus de créer de la mobilité, attire de nouveaux usagers, parmi lesquels les jeunes de moins de 18 ans et les personnes « non captives » disposant d’un véhicule motorisé (deux-roues ou voiture).

A qui profite la gratuité ?

Dans l’agglomération de Châteauroux (76 000 habitants), les transports collectifs sont gratuits depuis une décennie. A la différence d’Aubagne, ce sont des considérations d’ordre économique qui ont conduit le maire UMP Jean-François Mayet à faire de la gratuité un thème de campagne pour les élections municipales. Son intention ? Dynamiser l’économie locale – notamment les commerces du centre-ville – sans remettre en cause l’usage de la voiture.

Dix ans après l’instauration de la gratuité, la fréquentation sur le réseau géré par Keolis, filiale de la SNCF, a progressé de 208% ! Selon une étude menée par la Communauté d’agglomération castelroussine [2], la gratuité profite surtout aux bénéficiaires de la Couverture maladie universelle (CMU) et de l’Aide médicale d’État [3]. Plus de la moitié des usagers dispose de revenus mensuels inférieurs à 1 100 euros. Près d’un nouveau voyageur sur dix n’utilisait pas auparavant les transports en commun en raison du prix des tickets.

Qui finance les transports gratuits ?

En plus d’Aubagne et de Châteauroux, 23 réseaux de transports urbains, sur 290, ont fait le choix de la gratuité totale pour les usagers (dont sept communes de plus de 40 000 habitants [4]). Et donc de se passer des recettes de billetterie. Les ventes de ticket couvrent en moyenne 20% des besoins de financement d’un réseau de transport urbain, rappelle le Groupement des autorités responsables de transport (GART), derrière les impôts locaux (30%), et les contributions des entreprises et des administrations (48%). Le GART, qui rassemble les villes et collectivités disposant d’un réseau de transport public, « n’encourage pas cette pratique » : la gratuité ne serait pertinente que pour les petits réseaux.

Pour remplacer les recettes de billetterie, Aubagne et Châteauroux ont décidé d’augmenter la contribution « versement transport » (VT). Celle-ci est payée par les entreprises privées ou publiques situées sur le territoire et employant plus de neuf salariés. Dans les deux villes, cette contribution a été portée respectivement à 1,8 et 0,6% de la masse salariale de l’entreprise [5]. S’y ajoute une ponction limitée au budget général de la collectivité. Alors que la billetterie rapportait 710 000 euros, la hausse de la contribution des entreprises aux infrastructures de transports rapporte 5 millions d’euros supplémentaires. La Communauté d’agglomération du pays d’Aubagne et de l’Étoile projette même de construire un tramway totalement gratuit d’ici cinq ans. La gratuité totale n’interdit pas non plus les investissements futurs.

 

La gratuité, une « fausse bonne idée » ?

Malgré ces expériences, les méfiances à l’égard de la gratuité des transports collectifs demeurent fortes. Sans surprise, l’Union des transports publics et ferroviaires (UTP), qui regroupe les grandes entreprises du secteur – SNCF, RATP, Veolia-Transdev, Keolis (filiale privée de la SNCF)… –, considère la gratuité comme un « épiphénomène ». Et affiche son hostilité. Trop onéreuse, ne facilitant pas le report de la voiture vers les transports collectifs, menaçant la qualité de service, « la gratuité pour tous ne répond pas aux objectifs de développement d’un réseau de transport », juge l’UTP dans un rapport.

La Fédération nationale des associations d’usagers des transports (Fnaut) partage également ces critiques. La gratuité est une « fausse bonne idée » qui « induit des déplacements inutiles, encourage l’étalement urbain et prive de ressources le système de transport au moment où la clientèle augmente et où les recettes fiscales des collectivités diminuent », estime l’association d’usagers. Elle lui préfère le système de tarification sociale pour les jeunes, les sans emplois ou les familles nombreuses. [6].  (…)  La gratuité entraîne-t-elle une baisse de la qualité ? (…)

Quand la gratuité pulvérise « le dogme du libéralisme »

« Chaque fois que l’on prend une initiative dans le domaine de la gratuité, on fait revenir les gens à la politique, y compris lorsque c’est un échec », observe Paul Ariès (lire aussi notre entretien). Pour le politologue et objecteur de croissance, l’un des enjeux de la gratuité est de « sortir de l’économisme ». « De même qu’il n’y a pas de société marchande sans culture du marché, il ne peut advenir de société de la gratuité, sans culture de la gratuité », souligne-t-il.

« Saisir le capitalisme par la queue », non pas en s’en prenant directement à la propriété du capital, mais « en subvertissant le principe de consommation marchande » sur lequel elle se fonde. Voilà à quoi nous invite la gratuité selon Magali Giovannangeli, présidente de la communauté d’agglomération du pays d’Aubagne et de l’Étoile, et le philosophe Jean-Louis Sagot-Duvauroux, auteur de Voyageurs sans ticket [9] Avec l’instauration de la gratuité – cette « forme supérieure de dérégulation » qui n’établit aucune distinction entre les riches et les pauvres –, « le dogme du libéralisme, qui a pris une telle assise dans nos têtes, est pulvérisé par l’expérience », estiment-ils.

La gratuité contre la croissance ?

La gratuité de l’eau vitale, des transports en commun urbains, de la restauration scolaire, des services funéraires comme des services culturels, permet, selon Paul Ariès, de mettre en place des « modes de vie radicalement différents », de « repenser un projet global », devant être « au cœur de nos rêves, de nos réflexions et de nos actions ». Dans cette optique, Paul Ariès suggère, par exemple, la création d’une Agence nationale de la gratuité qui mutualiserait les expériences existantes. « Le système rend invisibles un certain nombre d’alternatives ; la gratuité en fait partie. Or, il nous faut rendre visible l’invisible », suggère-t-il.

Projet d’émancipation, la gratuité fait cependant débat au sein de la gauche, notamment entre partisans et opposants au revenu inconditionnel. « Pourtant, le combat de la gratuité permet de dépasser ce conflit, dans le sens où ce revenu social peut être donné à la fois en monnaie nationale, en monnaie régionale – à inventer – mais aussi sous forme de droit d’accès démonétarisé aux services publics et aux biens communs », indique Paul Ariès. « La gratuité doit notamment permettre de faire passer le discours de l’objection de croissance dans toute une culture de gauche. » Sa refondation est à ce prix.

P.-S. : Solidair TV a consacré une série de reportages vidéos sur l’expérience de gratuité à Aubagne / Notes : [1] Télécharger l’enquête. / [2] L’étude ici. / [3] L’article 123 de la loi relative à la Solidarité et au renouvellement urbains (SRU) impose aux Autorités organisatrices de transport urbain (AOTU) d’accorder une réduction d’au moins 50% aux personnes bénéficiant de la CMU complémentaire et de l’Aide médicale d’État. / [4] Aubagne et son agglomération, Castres, Châteauroux, Compiègne, Muret, Vitré, Gap. / [5] Le VT est plafonné à 0,6% de la masse salariale pour les agglomérations de moins de 100 000 habitants ; à 1,05% jusqu’à 400 000 habitants ; à 1,8% au-delà, et à 2,6% pour Paris et les Hauts-de-Seine. Les collectivités disposant en outre de transports collectifs en site propre (tramway, métro, tram-train, etc.) peuvent appliquer un taux de 1,8%. / [6] Lire ici.