Articles du Vendredi : Sélection du 28 mars 2014 !

Climat: à Yokohama, les experts du Giec planchent sur l’état de la planète

Yokohama (Japon) (AFP)

Climat : De l’eau et du feu pour le XXIe siècle

Valéry Laramée de Tannenberg
www.journaldelenvironnement.net/article/climat-de-l-eau-et-du-feu-pour-le-xxie-siecle,44294?xtor=EPR-9

Elles ont vu le changement climatique sur le pas de leur porte

Audrey Chauvet
www.20minutes.fr/planete/1332150-quand-le-changement-climatique-devient-une-realite

Philippe Martin présente le projet de loi sur la biodiversité

Valéry Laramée de Tannenberg
www.journaldelenvironnement.net/article/philippe-martin-presente-le-projet-de-loi-sur-la-biodiversite,44399?xtor=EPR-9

L’urgence d’une justice globale

Marie Duru-Bellat
www.reporterre.net/spip.php?article5618

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Climat: à Yokohama, les experts du Giec planchent sur l’état de la planète

Yokohama (Japon) (AFP)

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) a commencé mardi à Yokohama, près de Tokyo, à plancher sur un rapport sur l’état climatique de la planète, document dont les conclusions s’annoncent pour le moins alarmistes.

« Cette réunion est d’une énorme importance. Ce rapport va élargir notre compréhension des questions liées à l’impact du changement climatique », a déclaré à l’ouverture des débats Rajendra Kumar Pachauri, le président du Giec depuis 2002.

Aggravation des évènements météorologiques extrêmes, déclin de la survie des espèces animales et végétales, rendements agricoles modifiés, évolution des maladies, déplacements de population: les conséquences à venir du changement climatique sont de nature à déstabiliser une grande partie des équilibres actuels, avertissent les scientifiques auteurs de ce rapport qui sera rendu public le 31 mars.

Le ministre japonais de l’environnement, Nobuteru Ishihara, a de son côté réaffirmé l’engagement du Japon dans la lutte contre le changement climatique.

Fin 2013, Tokyo avait annoncé abandonner son précédent objectif de réduction des gaz à effet de serre (GES) – moins 25% entre 1990 et 2020 – pour viser désormais une baisse de « 3,8% entre 2005 et 2020″, soit une augmentation de 3% par rapport à 1990, selon les calculs de l’administration nippone.

D’après une version non définitive du rapport de 29 pages du Giec, pour chaque degré Celsius supplémentaire, la disponibilité des ressources en eau potable se trouverait diminuée de 20% pour l’équivalent de 7% de la population mondiale.

Les risques d’inondations, notamment en Europe et en Asie, seraient sensiblement augmentés par les émissions de GES. La production de céréales (blé, riz et maïs) pourrait baisser de 2% par décennie, alors que la demande risque de s’élever de 14% d’ici à 2050.

La pauvreté, la migration et la faim qui résultent des catastrophes naturelles sont des facteurs de conflits, car ils attisent la concurrence sur fond de diminution de ressources, met en garde la version préliminaire du rapport.

Pour ce 2e tome, plus de 300 chercheurs ont compilé des milliers d’études, soumis leurs écrits aux commentaires de la communauté scientifique et proposé un document synthétique destiné aux responsables politiques.

Avant sa publication à Yokohama, cette synthèse appelée « résumé aux décideurs » devra être approuvée par 195 pays.

« Il est très important d’avoir cet accord sur le constat scientifique pour donner une chance à la négociation », expliquait récemment à l’AFP Sylvie Joussaume, climatologue au CNRS français et membre du Giec, groupe qui reçut le Prix Nobel de la Paix en 2007.

– «Nous sommes à la croisée des chemins »-

L’objectif de la communauté internationale est de parvenir, lors de la Conférence des Nations unies de 2015 à Paris, à un accord mondial et contraignant pour contenir le réchauffement à 2 degrés à l’horizon 2100, par rapport à l’ère pré-industrielle, seuil au-delà duquel les scientifiques prévoient des conséquences dramatiques inévitables.

Cet objectif s’annonce très ardu: les émissions de GES – pour les trois-quarts dues aux énergies fossiles – continuent à augmenter alors qu’il faudrait qu’elles amorcent une décrue pour espérer ne pas dépasser les 2 degrés.

En marge de la réunion de Yokohama, l’organisation écologiste Greenpeace a lancé « un SOS »: « le changement climatique dévaste déjà des nations, détruit déjà des vies et fait déjà des milliards de dollars de dégâts ».

« Cette crise ne connait pas de frontières. Nous sommes au bord de l’abîme climatique: chaque tonne de pétrole, de charbon ou de gaz extraite nous en rapproche davantage. Mais on peut s’en sortir. Les énergies renouvelables ont progressé plus vite qu’escompté et sont prêtes à concurrencer notre vieux et polluant système énergétique », estime Kaisa Kosonen, une activiste de Greenpeace International.

« Le message essentiel est: il faut choisir. Allons-nous continuer de voguer d’un désastre à l’autre, ou bien allons-nous prendre notre avenir en mains ? Nous sommes à la croisée des chemins et l’Histoire nous jugera sur les choix que nous allons faire maintenant », a-t-elle poursuivi.

Pour sa part l’organisation non-gouvernementale Oxfam a averti mardi que le changement climatique pourrait faire reculer le combat contre la faim dans le monde de « plusieurs décennies ».

C’est « la plus grande menace qui pèse sur notre chance de gagner » ce combat, a déclaré Winnie Byanyima, directrice exécutive d’Oxfam International.

Climat : De l’eau et du feu pour le XXIe siècle

Valéry Laramée de Tannenberg
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Le Giec s’apprête à publier une synthèse du second tome de son 5e rapport d’évaluation. Une semaine avant sa sortie officielle, le JDLE vous en livre les principaux enseignements.

On ne pourra décidément plus dire qu’on ne savait pas. Depuis quelques semaines, une version quasi définitive du résumé pour les décideurs du second tome du 5e rapport d’évaluation du Giec[1] circule sur internet et dans la presse anglo-saxonne. Rien d’étonnant à cela. Depuis l’automne, le texte est consulté et annoté par des centaines d’experts, de relecteurs, de diplomates, etc. Rédigée par un groupe d’auteurs de l’organisation onusienne, cette synthèse (29 pages, alors que le rapport en fera près d’un millier) doit être validée par les gouvernements avant d’être publiée le 31 mars. D’où de nombreux échanges. La version qu’a consultée le JDLE a été établie le 28 octobre dernier. Les corrections finales devraient être minimes.

Sur quoi porte le second tome du 5e rapport?

Comme son titre l’indique, cette seconde partie du 5e rapport d’évaluation traite des conséquences des changements climatiques, de l’adaptation et de la vulnérabilité de nos sociétés aux colères du climat, tout au long du XXIe siècle. Il est publié 6 mois après le premier tome, qui présentait l’état de la science climatique. Il sera suivi, le 13 avril, par la publication du résumé du rapport du troisième groupe de travail du Giec, dédié aux politiques et mesures pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre (l’atténuation).

Quels sont les risques avérés à terre?

Il y a deux façons de lire le rapport du groupe 2: par risque et par région du monde. Côté risques, le gros des préoccupations des politiques devra porter sur l’eau. Selon le niveau de réchauffement[2], le nombre de terriens susceptibles de subir de fortes inondations variera du simple au triple. Voilà pour les régions tempérées. Dans les zones les plus sèches, c’est la fréquence des périodes de sécheresse qui augmentera. «Chaque degré supplémentaire devrait réduire de 20% les ressources en eau», estiment les auteurs. Pas rassurant si l’on garde à l’esprit que la population mondiale pourrait croître de moitié d’ici la fin du siècle.

Moins d’eau et plus d’habitants sont les deux premières variables de l’équation de l’insécurité alimentaire. Les climatologues estiment que les rendements des grandes cultures (riz, blé, maïs) pourraient diminuer de 2% par décennie. Parallèlement, la demande mondiale devrait progresser de 14% par décennie jusqu’à la moitié du siècle. Difficile à gérer.

Quels sont les risques pour l’environnement marin?

Sous les effets conjugués du réchauffement, de l’acidification, des pollutions et de la surpêche, l’écologie marine va au-devant d’un grand bouleversement. Nombre d’espèces tropicales vont quitter leurs eaux surchauffées pour gagner des latitudes plus fraîches. D’ici la fin du siècle, le potentiel de capture de poissons pourrait baisser de moitié dans les eaux de la bande équatoriale ainsi que dans l’océan Antarctique. Les écosystèmes polaires et coralliens devraient particulièrement souffrir de l’acidification croissante des eaux marines.

 

 

Bon pour la santé, les changements climatiques?

Pas vraiment. Le réchauffement accroîtra la prévalence des maux que nous connaissons déjà: les affres de la pollution atmosphérique urbaine, par exemple. Selon les régions, les populations subiront les effets sanitaires de vagues de chaleur, plus fréquentes et plus intenses, des incendies de forêt (on l’a vu en Russie, lors de l’été 2010) ou de la malnutrition. Dans d’autres régions, les travaux en plein air (agriculture, pêche, BTP) deviendront difficiles, voire impossibles, en raison des températures trop élevées.

Risques et stratégies d’adaptation

En Afrique, la première des conséquences des changements climatiques est la réduction de la pluviométrie. Pour y faire face, les auteurs du Giec recommandent la plantation de cultures sobres, le développement de l’irrigation raisonnée, le renforcement de l’alimentation en eau potable et de l’assainissement.

Les mêmes causes ne produiront pas forcément les mêmes effets partout. En Europe, l’eau aura plutôt une fâcheuse tendance à inonder. La faute à un changement de régime des précipitations, à la montée du niveau de la mer, ainsi qu’à l’urbanisation des zones… inondables. Les effets inverses toucheront les régions méridionales du Vieux monde. Au nord, on multipliera donc les ouvrages de défense contre l’eau. Au sud, on mettra en œuvre des technologies sobres en eau, notamment pour l’irrigation et la production d’énergie. On améliorera aussi la résilience des villes.

Eau et chaleur frapperont aussi l’Asie. La fonte des glaciers, le changement de régime des moussons et, toujours, la montée du niveau de l’océan augmenteront sensiblement le risque d’inondation dans les zones urbaines et sur les côtes. Les scientifiques alertent par ailleurs sur les conséquences des canicules, notamment dans les zones urbaines riches en îlots de… chaleur.

Curieusement, alors que l’Australie bat régulièrement ses records de chaleur estivale, c’est l’eau qui semble être la principale menace pour l’île-continent et les autres régions de l’Australasie. L’Australie et la Nouvelle-Zélande seront fréquemment les proies de fortes inondations. De même, les zones côtières des deux pays seront régulièrement grignotées par la montée du niveau de l’océan. Sous la surface du Pacifique et de l’océan Indien, la grande barrière de corail pâtira du réchauffement et de l’acidification de l’eau, réduisant d’autant la biodiversité marine régionale.

En Amérique du Nord, la montée du mercure du thermomètre renforcera fortement le risque d’incendie de forêt. Dans les villes, les populations les plus vulnérables subiront les affres des canicules. A moins, comme le conseillent les auteurs, d’ouvrir des cooling centers. L’augmentation du risque de fortes inondations est hautement probable, notamment le long des côtes.

Les glaciers sont l’une des principales sources d’approvisionnement en eau de nombreux pays d’Amérique centrale et du Sud. Or, avec leur recul rapide, l’accès à l’eau dans les régions les plus arides va devenir problématique, estiment les rédacteurs. Les scientifiques annoncent aussi une réduction des rendements agricoles de la région.

Invivable, la terre?

Invivable, la terre de la fin du XXIe siècle? Pas encore. Nous sommes encore à la croisée des chemins, soulignent les auteurs du Giec. A supposer que nous allégions très sensiblement notre empreinte carbone, nous pouvons espérer stabiliser le réchauffement sous la barre des 2°C par rapport à l’ère préindustrielle. Et réduire ses conséquences. «La réduction des émissions de gaz à effet de serre au cours des prochaines décennies peut substantiellement diminuer les risques liés aux changements climatiques dans la seconde moitié du siècle», confirment les chercheurs. Ils ne seront toutefois pas nuls. D’où l’importance de commencer à nous y préparer. Les plus récentes études suggèrent que les pays en développement (les plus vulnérables) doivent investir près de 100 milliards de dollars (72,4 Md€) par an pour s’adapter aux effets du réchauffement. C’est ce que les pays du Nord leur ont promis à partir de 2020. Il n’est pas certain qu’ils tiennent leurs engagements.


[1] Giec: Groupe international d’experts sur l’évolution du climat

[2] Les auteurs ont principalement étudié deux scénarios: des réchauffements de 1,5°C et de 4,9°C d’ici la fin du siècle par rapport à l’ère pré-industrielle.

Elles ont vu le changement climatique sur le pas de leur porte

Audrey Chauvet
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PLANETE – Trois femmes qui vivent au Bangladesh, au Tchad ou au Pérou racontent les effets du changement climatique sur leur mode de vie…

Pour l’une, c’est la disparition d’un glacier, pour l’autre, l’assèchement des lacs, pour la troisième la fréquence des cyclones… Mais pour toutes, c’est bel et bien le changement climatique qui, depuis quelques années, impacte lourdement le mode de vie de leurs communautés. Invitées par le Réseau action climat (RAC) à Paris à l’occasion de la sortie, le 29 mars, d’un volet du cinquième rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), trois femmes originaires du Bangladesh, du Pérou et du Tchad témoignent de la difficulté de s’adapter à un climat qui devient imprévisible.

 

Trois pays, trois urgences

Hindou Oumarou Ibrahim coordonne l’Association des femmes peules autochtones du Tchad. Elle raconte: «Dans notre région, les inondations succèdent aux sécheresses et les pluies se font plus violentes: la terre ne les absorbe plus, elles n’alimentent plus les lacs qui se tarissent.» Les anciens de sa communauté assurent ne jamais avoir vu autant de variations brutales du climat: «Avant, ils pouvaient faire des prévisions mais maintenant, tout est troublé.»

De l’autre côté de la planète, América Castillo Cunyas s’efforce de cultiver quinoa et pommes de terre au cœur des Andes péruviennes malgré le recul du glacier Huayatapallana, dont les scientifiques prévoient la disparition d’ici à 2030: «La neige commence à disparaître, nous avons moins d’eau dans les rivières et il y a des pics de chaleur dans la journée qui font apparaître des maladies ou abîment les récoltes.» L’agriculture locale est également mise à mal au Bangladesh, où Khatun Khukumoni Shahanara se bat pour la subsistance de sa communauté à Satkhira, une région côtière qui pourrait bientôt être avalée par l’océan: «La salinité des terres est de plus en plus importante et les cyclones sont de plus en fréquents, explique-t-elle. Nous essayons de développer de nouvelles semences pour survivre mais on ne sait pas si nous pourrons rester dans notre village.»

«Ce ne sont pas que des chiffres sur le papier»

Partout, le constat est le même: les hommes doivent trouver de nouvelles sources d’eau douce, de nouvelles cultures résistantes au climat et parfois de nouvelles sources de revenus. Le village de Khatun Khukumoni Shahanara s’est converti à l’artisanat, mais la communauté ne gagne pas encore assez d’argent pour acheter toutes les denrées qu’elle ne produit plus. Au Pérou, les enfants des villageois dont les récoltes sont mauvaises sont victimes de malnutrition, tandis qu’au Tchad, les vaches en manque de pâturages ne donnent plus assez de lait. Face à ces situations d’urgence, les négociations internationales sur le climat semblent bien dérisoires: «On a l’impression que l’on protège plus les économies de quelques pays que les hommes», s’indigne Hindou Oumarou Ibrahim.

Le «fonds vert» qui devrait être abondé par la communauté internationale, notamment via une taxe sur les transactions financières pour financer l’adaptation au changement climatique, serait une aide cruciale pour tous les pays qui n’ont pas les moyens de financer l’adaptation aux nouvelles conditions climatiques. Mais il faudra aussi réduire les émissions de gaz à effet de serre pour ne pas aller plus vite que prévu vers les +4°C au niveau mondial. «Ce ne sont pas que des chiffres sur le papier, estime Laurence Tubiana, directrice de la chaire développement durable de Sciences Po Paris. Si les rapports du Giec ont du mal à convaincre, la parole de ceux qui voient le changement climatique peut faire naître le sentiment d’urgence à agir.»

Philippe Martin présente le projet de loi sur la biodiversité

Valéry Laramée de Tannenberg
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Succédant à la loi de 1976, la première loi Martin adapte le corpus juridique aux besoins actuels et futurs, améliore la protection des milieux marins et rationnalise l’économie de la protection de la nature.

 

C’est une journée marathon qu’a courue le ministre de l’écologie en faveur de la biodiversité. Après une présentation du projet de loi en conseil des ministres (et son adoption), Philippe Martin a renouvelé l’exercice en présence de journalistes. Avant de s’adonner aux plaisirs du chat, toujours sur le même sujet.

 

Présenté dans les grandes largeurs en décembre dernier, le texte est d’importance. «C’est la première fois depuis 38 ans que la France modernise sa législation portant sur la protection de la nature», résume le ministre.

 

6 grands principes

 

Ses grands principes ne sont pas nouveaux: prise en compte des services rendus par les écosystèmes[1], création d’une agence dédiée, meilleur partage des ressources naturelles, renforcement de la lutte contre les trafics d’espèces, défense du paysage et meilleure protection du milieu marin.

Pesant sa centaine de pages (bon courage aux parlementaires), le projet de texte modernise plus qu’il ne révolutionne la protection de la nature. Par exemple, en transposant en droit national le protocole de Nagoya. Ce qui permettra de renforcer la lutte contre la biopiraterie tout en sécurisant l’accès pour les entreprises «aux ressources génétiques ou aux connaissances traditionnelles associées».

 

L’Agence française pour la biodiversité

 

Le gros morceau est, bien sûr, la création de l’Agence française pour la biodiversité (AFB). Cette nouvelle venue dans le paysage institutionnel sera le bras séculier «biodiv» de l’Etat, comme l’Ademe peut l’être pour la gestion des déchets. Pour ce faire, elle fusionnera l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (Onema), l’atelier technique des espaces naturels, l’Agence des aires marines protégées et l’établissement public Parcs nationaux de France.

Opérationnelle dès 2015, l’AFB travaillera étroitement avec les parcs nationaux, le Muséum national d’histoire naturelle, mais aussi avec les Réserves naturelles de France, les parcs naturels régionaux, les conservatoires botaniques et d’espaces naturels.

 

Résistances des syndicats et des chasseurs

 

Les liens seront sans doute moins étroits avec le Conservatoire du littoral, l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer) et surtout avec l’Office national des forêts (ONF) et l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS).

Pour l’ONF, l’explication est simple: «L’ONF intervient aussi sur des questions liées à la protection de la biodiversité, il n’était pas question de le démanteler». Les syndicats des forestiers, très remontés pour de nombreuses raisons, ne l’auraient d’ailleurs pas accepté. Pour l’ONCFS, c’est limpide: «Cet office a un mode de financement et de gouvernance particulier. Il contribuera à la reconquête de la biodiversité en entrainant le monde cynégétique», explique Philippe Martin. Traduction: les chasseurs n’ont pas voulu.

Regroupant les budgets des institutions qu’elle absorbera, l’AFB bénéficiera aussi d’une partie des Investissements d’avenir. L’an projet, son trésor atteindra 220 millions d’euros. Il n’est pas certain qu’il se maintienne à pareil niveau les années suivantes.

 

Sus aux braconniers

 

La première loi «Martin» durcira sensiblement la législation sur le commerce des espèces. Comme suite aux annonces faites lors du sommet de l’Elysée pour l’Afrique, le montant des amendes encourues pour braconnage d’espèces protégées pourra être décuplé.

Le texte prévoit d’améliorer la prise en compte du paysage. Concrètement, les aménageurs devront intégrer des «objectifs de qualité paysagère», issus des Atlas de paysage, qui couvriront tous les départements de l’Hexagone d’ici la fin de l’année prochaine. L’objectif, dit-on au ministère, est que «les différents paysages soient mieux pris en compte et orientent in fine les projets eux-mêmes». Du contentieux en perspective…

 

L’inscrit pourra être classé ou désinscrit

 

Paysage toujours: le projet de loi propose aussi de supprimer la procédure d’inscription des sites, pour le futur, et d’organiser l’évolution «pour les sites inscrits existants». Les sites inscrits les plus remarquables, à l’instar des étangs du Médoc, de la vallée de la Dordogne ou du canal du Midi, pourraient être ainsi progressivement classés. A contrario, les sites inscrits, «dont la dégradation est irréversible» (certaines parties du golfe du Morbihan, par exemple) ou couverts par une mesure de protection équivalent au classement, perdront leur statut.

Mauvaise surprise pour les futurs promoteurs d’activités marines en haute mer. Le projet de loi prévoit, en effet, l’instauration d’une taxe, comparable à la redevance due pour occupation du domaine public dans les eaux territoriales. «Il n’aurait pas été équitable que ceux qui ont des activités au-delà des 12 miles ne paient rien», justifie Laurent Roy, directeur de l’eau et de la biodiversité. Avant même d’être né, l’éolien flottant est déjà taxé!

Souvent oubliée dans les politiques de protection de la nature, la mer fait l’objet d’un chapitre particulier, regroupant une quinzaine d’articles (sur 72). Sa mesure-phare est sans doute la création d’une zone de conservation halieutique (ZCH). Ces ZCH protégeront les sites, marins ou fluviaux, «où se déroulent les moments essentiels du cycle du poisson»: frayères, nurseries, couloirs de migration.

Une fois définis, ces sites feront l’objet d’un plan de suivi pour «concilier les différents usages et instaurer des mesures d’interdiction ou de réglementation des activités humaines qui pourraient avoir des impacts négatifs».

Selon Philippe Martin, le projet de loi devrait être déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale entre le 24 et 26 juin prochain.

 

 


[1] En épurant et régulant l’eau, en fournissant une alimentation au bétail, un hectare de prairie fournit de 1.100 à 4.600 euros de services par an, estime un rapport du CGEDD.

L’urgence d’une justice globale

Marie Duru-Bellat
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Les inégalités mondiales sont aujourd’hui d’une telle ampleur qu’elles risquent de rendre le monde tout simplement invivable. Il faut s’y attaquer, non seulement en fonction de considérations de justice élémentaires, mais afin de préserver notre planète et notre capacité à vivre ensemble.


Les inégalités mondiales sont connues, mais tout se passe comme si, pour nous, la justice était bornée par nos frontières : ce qui serait inadmissible dans notre pays (qu’on laisse une personne mourir de faim) serait tolérable dès lors que c’est loin…

Nous avons du mal à penser les questions de justice dans un horizon plus vaste que celui de notre pays. Pourtant, vu l’égalité foncière entre tous les êtres humains, les principes de justice qui gouvernent la distribution des ressources et des espaces de la terre doivent s’appliquer au monde entier : chacun doit avoir la possibilité d’y accéder pour satisfaire ses besoins élémentaires d’êtres humains. Si cette question semble abstraite, elle pourrait prendre une tournure très concrète si des zones de la planète deviennent inhabitables.

Un modèle qui a atteint ses limites

D’ores et déjà, les inégalités mondiales béantes sont injustifiables et en elles-mêmes, elles sont porteuses de nombreux problèmes sociaux : moindre cohésion sociale, tensions, violence, difficultés de fonctionnement des démocraties… Dans le même temps, la thèse libérale selon laquelle les inégalités auraient des effets positifs sur la croissance est largement discréditée.

Au contraire, les inégalités entre pays riches et pays pauvres engendrent un modèle économique où les plus pauvres vendent aux riches les produits qu’ils fabriquent à bas coûts (et à bas salaires), ce qui, au sein de ces pays, exploite les producteurs tout en lésant les consommateurs.

Dans les pays riches, si l’on profite de produits bon marché, les délocalisations et le chômage contre-balancent ce bénéfice. Pour les pays pauvres comme pour les plus riches, ce système ancré dans les inégalités est donc insoutenable.

En outre, ces inégalités alimentent une comparaison sociale qui ne peut qu’engendrer une translation vers le haut des consommations. Avec la mondialisation et la diffusion d’un certain style de vie, les inégalités par rapport à cette norme engendrent une course à la consommation ruineuse pour la planète, avec une spirale de croissance économique, de destruction des ressources et de pollution.

De plus, dès lors que les ressources de la planète sont finies et que les interdépendances entre tous les pays sont étroites, les consommations des riches ont un impact sur le sort des pauvres. C’est le cas quand on choisit les agrocarburants pour les voitures dans les pays riches, avec, par ricochet, une augmentation du prix des céréales catastrophique pour les plus pauvres. Il est donc impossible de sortir seulement certains groupes ou certains pays de la pauvreté sans rien toucher à la situation des autres.

Ce sont donc les inégalités en elles-mêmes qui constituent, au niveau global, l’obstacle le plus significatif à un niveau d’activité économique soutenable en termes écologiques. Si l’on admet que dans un monde fini, on ne peut compter sur l’accroissement de la taille du gâteau, le nécessaire rééquilibrage des niveaux de vie exige une décroissance sélective, couplée avec une redistribution des richesses.

Mais celle-ci est évidemment plus difficile à mettre en œuvre que la lutte contre l’extrême pauvreté, car elle ne concerne pas seulement les plus riches (des pays riches et des pays pauvres), mais des franges plus larges de la population. Le défi est alors de convaincre à la fois les pays et les personnes, ce qui exige des institutions, des régulations et des mobilisations se situant à des niveaux différents.

 

Un monde interdépendant

Sans conteste, on ne peut plus laisser le champ libre au seul jeu des libertés individuelles en quête de profits personnels, comme le veut le capitalisme dans son principe. Si le marché global l’emporte (et de plus en plus) sur un pouvoir politique qui reste national, qui portera les problèmes intrinsèquement globaux ?

Il faut donc remettre sur la table la question que d’aucuns diront éculée de la gouvernance mondiale, soit en créant de nouvelles institutions ou en cherchant à rendre plus justes les institutions existantes. Les États qui les mandatent restent néanmoins le pivot central : ils ont le pouvoir non seulement d’intervenir dans les institutions internationales, mais aussi de contraindre le secteur privé et les lobbies à respecter l’intérêt général, dans des secteurs comme le commerce ou la finance notamment. Ils sont aussi à même de réguler les activités polluantes de leurs citoyens, de réorienter leurs comportements vers des biens non marchands, etc.

Mais si ces conditions institutionnelles sont indispensables, la mobilisation de la société civile ne l’est pas moins. Elle doit pouvoir reposer sur des bases empiriques convaincantes et en la matière, il est fondamental de diffuser de nouveaux indicateurs pour appréhender la pauvreté (et la richesse).

Il faut aussi éclairer les causes et les conséquences des inégalités mondiales, et mettre en lumière les relations entre inégalités d’une part, et problèmes environnementaux de l’autre. Prendre conscience de notre interdépendance avec les pays pauvres et de notre implication dans leur pauvreté elle-même est nécessaire pour convaincre les habitants des pays riches d’agir et, en particulier, de pousser leurs gouvernants à des politiques de redistribution globale.

Car même si trop souvent, les élites et les élus se montrent assez incultes en matière d’écologie et volontiers « court termistes », on ne se dispensera pas de recourir aux gouvernants. Diffuser de nouvelles lectures des réalités mondiales est certes fondamental, mais il faudra bien la force des gouvernants pour rendre acceptables des politiques forcément contraignantes. Le chaînon politique est donc essentiel ; mais, sans mobilisation des personnes et de la société civile, il n’a guère de chances d’être mis en œuvre.

 

Les contours d’un monde juste

En conclusion, les limites de la planète, mais aussi nos intérêts bien compris, sans compter des considérations éthiques élémentaires, font qu’il est grand temps de rejeter un monde où règne une relative prospérité pour certains, mais au prix de dégâts écologiques indéniables et d’une injustice sociale persistante pour la majorité.

Il faut alors proposer un autre modèle de vivre-ensemble, un monde où il y aurait moins de biens matériels pour les plus riches, mais aussi moins de tensions, de crispations sur les frontières, de cupidité et de concurrence délétères. Cette perspective est évidemment porteuse de conflits : plus nous sommes inégaux, plus il nous sera difficile de nous mettre d’accord pour réduire les inégalités. Il s’agit d’un défi difficile et, de plus, incertain : quels sont les contours de ce monde juste que nous voulons voir advenir ?

Mais il n’est pas nécessaire de les percevoir avec précision pour savoir que notre monde est aujourd’hui injuste. Le coût de l’inaction (tout comme pour les enjeux climatiques en eux-mêmes) deviendra vite insoutenable et notre (petit) monde invivable.


Source : Marie Duru-Bellat pour Reporterre.

Marie Duru-Bellat est l’auteur du livre : Pour une planète équitable. L’urgence d’une justice globale (Seuil, La République des idées, 2014).