Demain une monnaie basque, écologique et solidaire ?

Demain, une monnaie basque, écologique et solidaire ?
Telle est une des questions qui ont été posées lors du Forum « Capitalisme : c’est par où la sortie ? » qui s’est déroulé en avril dernier.
Réunion ce mercredi 15 juin à 19H00

Une réunion aura lieu ce mercredi 15 juin à 19H00 à la Fondation Manu Robles-Arangiz (20, rue des Cordeliers dans le Petit Bayonne) pour étudier la faisabilité d’un tel projet, définir par où commencer et voir quels seraient les associations, structures, mouvements qu’il conviendrait d’inviter dés le départ à travailler sur le processus de création de cette monnaie, ainsi qu’au contenu du Cahier des charges sur lequel elle se reposera.

Les billets “L’Abeille” utilisés à Villeneuve-sur-Lot

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L’exemple de l’Abeille :

La monnaie locale étudiée pendant le Forum sur les alternatives au capitalisme était l’Abeille, née en janvier 2010 sur Villeneuve-sur-Lot, et qui fonctionne sur un territoire comptant 120 000 habitants. Deux de ses fondatrices, Françoise Lenoble et Brigitte Balavoine, ont expliqué à Ezpeleta comment avait été créée cette monnaie, comment elles fonctionnait et ce qu’elle permettait. Un lot de billets -infalsifiables- d’1, 2, 5, 10 et 20 abeilles est édité, échangeables contre leur équivalent en euros. Les particuliers qui procèdent à cet échange ne peuvent plus faire l’échange inverse. Les entreprises, commerces, associations, municipalités, producteurs, artisans, indépendants divers qui adhérent à la Charte de la monnaie locale peuvent recevoir ces billets comme moyen de paiement. Eux par contre peuvent les échanger contre des euros mais en perdant dans ce cas là 2 % de leur valeur. Ils sont donc incités à les remettre en circulation. L’association Agir pour le Vivant gère toutes les décisions relatives à cette monnaie, ainsi que l’habilitation des structures et personnes (du restaurant au kiné en passant le paysan ou la piscine municipale…) pouvant recevoir cette monnaie comme moyen de paiement.

Relocalisation de l’économie :

Le premier effet évident de cette monnaie locale est la relocalisation d’une partie du pouvoir d’achat : les Abeilles qu’on dépense chez le coiffeur pourront servir à ce dernier à s’acheter son pain auprès du boulanger artisanal local ou à aller au restau du coin, mais pas à s’acheter un costume par internet ou se payer ses vacances au Canada. C’est un effet matériel direct, mais également un effet psychologique et indirect : l’utilisateur est amené à prendre conscience sur ce qui est local et ce qui ne l’est pas parmi ses achats. L’objectif est la redynamisation du tissu économique local : petit commerce, artisanat, productions locales, agriculture de proximité etc. On participe également directement à enlever un certain volume d’argent aux circuits de la spéculation internationale, de l’économie globalisée.

Réorientation de l’économie :

Dans le même temps, la monnaie locale permet de réorienter une partie de la consommation et de la production. Pour être habilitées à recevoir cette monnaie locale, les entreprises doivent en effet obéir à un cahier des charges, édictant un certain nombre de règles d’inéligibilités : entreprises très polluantes ou connues pour leurs pratiques sociales déplorables, grandes chaînes internationales, agriculture industrielle, producteurs ou commerçants ne se fournissant pas auprès d’autres producteurs locaux. Le boulanger artisanal local sera ainsi doublement incité à trouver le producteur de farine bio qui est lui même habilité à recevoir des Abeilles afin de se débarrasser de celles qu’il a reçues et afin de respecter lui même le Cahier des charges. Le restaurateur sera tenté pour les mêmes raisons de faire une partie de ses courses auprès des paysans locaux habilités par le cahier des charges des Abeilles, et donc pratiquant une agriculture paysanne et durable, ou faisant dans la transformation fermière et les chartes de qualité.

Les règles qui vont composer le Cahier des charges (et qui peuvent évoluer dans le temps) vont peu à peu avoir une influence sur le type d’économie locale d’autant plus importante que l’usage de la monnaie locale s’étend. Les entreprises auront en effet intérêt à s’adapter pour ne pas perdre cette clientèle grandissante, ce pouvoir d’achat local au profit d’autres entreprises qui sont elles aux normes relocalisatrices, écologiques et sociales promues par le Cahier des charges.

Réappropriation de l’économie et du politique :

Pour les gens qui gèrent cette expérience originale, il s’agit d’un exercice très concret de réapprentissage de l’économie et du politique, à échelle humaine et facilement compréhensible. On comprend en effet ainsi qu’est-ce qu’est une monnaie, à quoi correspondent la dette, les banques, la création et la circulation de la monnaie, la spéculation, le capitalisme financier etc.. On est appelé à prendre un certain nombre de décisions politiques de première importance : combien de monnaie crée t’on par rapport au fonds de garantie que l’on a réellement ? Quelles règles fixe t’on quand à sa circulation, à son épargne, à son accumulation ? Où met on la barre du Cahier des charges et que veut on donc comme type d’économie, de production, de consommation, de loisirs, de rapports sociaux, de distribution, de société ?

La construction d’une communauté :

Bien évidemment, le choix du territoire qui sera celui où la monnaie en question sera valable est fondateur d’une communauté de projet, d’une identité collective, bref d’un Pays -ouvert et intégrateur, à taille humaine, acteur de son présent et de son avenir, solidaire du reste du monde et des générations à venir- au sens où nous l’entendons ici. Une monnaie locale de ce type pourra venir compléter à merveille l’ensemble des outils dont le Pays Basque s’est déjà dotés pour se construire d’une manière plus humaine, plus juste, plus solidaire, plus autogérée et plus durable.